Annecy 2010: cinquante ans d’animation !
Du 7 au 12 juin 2010, le Festival international du film d’animation d’Annecy a fêté son 50ème anniversaire. 50 années de présence auprès des dessins animés qui, depuis longtemps, ne sont plus réservés aux enfants. Annecy est devenu un incontournable rendez-vous international et un marché réputé où les professionnels européens, asiatiques et nord-américains apportent le meilleur de leurs créations.
Pendant une semaine, la tranquille préfecture de Haute-Savoie est secouée par les festivaliers qui envahissent la grande pelouse du Pâquier pour pique-niquer à l’heure du déjeuner et par les projections en plein air à la nuit tombée. Dans les rues, on entend d’autres langues et dans les salles de projection, l’ambiance est unique grâce à des milliers d’étudiants. Ecoles des beaux-arts, graphistes, infographistes, spécialistes de l’animation en 3D ou du dessin à la plume, ils ont tous à coeur de perpétuer les traditions du festival : les avions en papier qu’on lance en attendant le début de la projection et le bruitage du générique du festival où l’apparition d’une silhouette de lapin déclenche l’enthousiasme du public… Ca change agréablement de l’atmosphère assoupie des grands festivals institutionnalisés et, promis, pour la prochaine édition, on va s’entrainer au pliage des avions en papier !
A Annecy, le court-métrage est roi et la compétition révèle toujours quelques pépites comme Logorama de François Alaux, Ludovic Houplain et Hervé de Crécy, oscar du court-métrage en février 2010, soulignant l’omniprésence des marques commerciales dans notre quotidien ; ou Zhila-Bila Mukha d’Alena Oyatyeva pour son graphisme « mouillé » où évoluent des mouches anodines. Si la durée des courts (entre 3 et 30 minutes) ne permet pas forcément de longs développement et privilégient l’humour et le rythme, certains artistes abordent cependant des thèmes plus difficiles comme Sinna Mann d’Anita Killi sur les violences familiales ou Sarah Van Den Boom avec La femme squelette, belle évocation du désarroi d’une jeune mère de famille. Le Cristal du court-métrage a été très justement décerné à The Lost Thing d’Andrew Ruhemann et Shaun Tan, un 15 minutes à la fois très poétique et très grave où se pose la question d’une société future aseptisée où l’inutile, le beau, l’étrange ne semblent plus avoir leur place, si ce n’est dans le coeur d’un enfant.
Côté longs métrages, le festival a été inauguré par L’Illusionnniste de Sylvain Chomet, et suivi de plusieurs avant-premières hors compétition, comme le très impertinent Moi, moche et méchant de Pierre Coffin et Chris Renaud ou le très décevant Shrek 4 (une banale compilation des meilleurs passages de trois autres). En venant le présenter personnellement au public d’Annecy, l’un des responsables de Dreamworks, a bien rappelé l’héritage d’Emile Cohl mais en évoquant les grands noms de l’animation de ces 50 dernières années, il n’a cité que des Américains. Quel dommage qu’il ne connaisse pas encore Myazaki, Rintaro, Michel Ocelot, Ari Folman ou de l’école tchèque d’animation…
La sélection des longs métrages d’animation était moins enthousiasmante et moins riche que celle des courts. Parmi les meilleurs, le très beau Kérity ou la maison des contes de Dominique Monfrédy est reparti avec une mention spéciale mais Allez, raconte de Jean-Christophe Roger et Summer Wars de Mamoru Hosoda méritaient largement un prix. C’est Wes Anderson qui l’a reçu pour Fantastic Mister Fox, Cristal 2010 du meilleur film d’animation et le prix du public. Certes, un beau graphisme et un vrai travail d’animation mais un scénario banal qui mise tout sur l’anthropomorphisme sans grande originalité.
Grâce à une rétrospective reprenant chaque soir les courts-métrages les plus représentatifs de leur décennie, on a pu se rendre compte de l’évolution non seulement de ce type de cinéma mais aussi des tendances d’une société à travers le regard de ses artistes. Ainsi, des années 1960 aux années 1990, on est surpris de constater à quel point les courts reflètent l’angoisse d’un monde en pleine mutation. Mais la maitrise du trait et la personnalité du beau dessin s’adaptent à tous les moyens techniques et le véritable talent les transcende toujours.
Magali Van Reeth