Le 17e Festival International du Film Documentaire de Thessalonique

PosterLe 17e Festival International du Film Documentaire de Thessalonique : Images of the 21st Century

A part des nouvelles sur son économie souffrante sur les chaînes d’information, des brochures de vacances et sa Nouvelle Vague en cinéma, la Grèce contemporaine est mal connue. Même pour moi, venant d’un pays voisin, un festival de documentaires comme celui de Thessalonique peut offrir une image colorée et surprenante.

En tant que membre du jury FIPRESCI, j’ai eu le plaisir de suivre les titres grecs au total au nombre de 17, inclus dans les différentes sections thématiques du festival, sans compter le panorama spécial grec de 46 (!) productions. Il n’y a rien d’étrange à ce que beaucoup de ces documentaires avaient l’air  télévisuel — dans le contexte aggravé de la crise financière, on ne pouvait demander aux 63 titres grecs présentés (sur 191 au total) d’être des chefs-d’œuvre du cinéma d’auteur. Mais télévision ne signifie pas automatiquement « qualité moindre ». Au contraire, les projections de Fascism Inc. d’Aris Chatzistefanou et d’agora – From Democracy To The Market de Yorgos Avgeropoulos, de la section panorama grecque, se sont avérées  très suivies. Les deux réalisateurs sont des journalistes respectés avec une filmographie documentaire excellente de sorte que leur budget a pu être facilement bouclé grâce au financement participatif. Pour cette raison, Fascism inc. peut être regardé gratuitement en ligne [http://infowarproductions.com/fascism_inc/], avec des sous-titres français, et je vous recommande fortement les deux titres précédents du même auteur. Ces films sont une introduction appropriée au point de vue spécifique des Grecs sur la politique et la crise mondiale.

En fait, la plupart des documentaires vus au festival parlent très peu de politique. Cependant, il y avait des «films politiques», comme  The fish on the mountain, de Stratoula Theodoratou, mais il appartient à un groupe de titres qui, généralement de façon télévisuelle, se saisit d’un problème urgent (ici l’industrie navale), puis « balance » au spectateur les faits, la douleur et la frustration. Dans cette catégorie, on peut retrouver aussi Emery Tales de Stelios Efstathopoulos & Susanne Bausinger (sur l’extraction de l’émeri aux Cyclades) et Milad – My Planet… de Menelaos Karamaghiolis (sur les immigrés clandestins).

Une perspective beaucoup plus variée fut offerte par deux titres de la section Habitat – In The Nest Of Time de Alexandros Papailiou et Leaving Is Living de Laura Maragoudaki. In The Nest Of Time  se concentre sur plusieurs jeunes écologistes travaillant dans différents domaines de la protection environnementale. Leurs choix de vie sont présentés comme la norme, et leur travail comme le plaisir, ce qui rend le film agréable à regarder. Encore plus dynamique et estimable est mon film favori grec du festival, Leaving Is Living, qui suit le braconnage des tourterelles pendant leur période de migration au printemps. Concis et pince-sans-rire, le film pénètre la culture de la chasse et sa signification aujourd’hui, ainsi que le modèle de « business-as-usual » en Grèce.

Mais les grandes trajectoires sont également vitales pour le cinéma documentaire. Il est donc louable que certains auteurs grecs n’hésitent pas à relever le défi. Un Condor de Yannis Kolozis est une invitation à voyager au Chili avec le protagoniste du film, réfugié politique en Angleterre. A Place For Everyone d’Angelos Rallis & Hans Ulrich Gοessl célèbre discrètement le vingtième anniversaire du génocide au Rwanda. The New Plastic Road d’Angelos Tsaousis & Myrto Papadopoulos nous emmène au Tadjikistan, où le commerce avec la Chine est  en plein essor actuellement. Pure Life, de Panagiotis Evangelidis, à son tour, examine les outsiders à Barcelone, en attaquant la plupart des préjugés des Balkans sur la culture gay et l’industrie porno.

No 874846Bien sûr, l’exception confirme la règle — la plupart des films grecs continuent traiter du territoire et de l’histoire de la Grèce, en optant pour un format et style classique. Deux titres ont été présentés dès le début comme très importants, surtout par nos collègues grecs : The Archaeologist de Kimon Tsakiris et Hail Arcadia de Filippos Koutsaftis. Les deux sont une réflexion sur la crise de l’État moderne, qui devrait autant se préoccuper de la prospérité économique que de la protection des ressources archéologiques et culturelles et du bien-être du peuple. De ces deux lectures, Hail Arcadia a remporté le prix FIPRESCI, probablement à cause de sa sensation d’exhaustivité et d’urgence au niveau du sujet, malgré sa mise en scène traditionaliste.

En parlant de traditions, je voudrais mentionner deux grandes leçons d’histoire : Escape From Amorgos, de Stelios Kouloglou et Kostis Palamas – The Supreme Flower In Greek Literature, de Stamatis Tsarouchas, qui se voudrait sérieux en théorie, mais se révèle comique dans la pratique pour son révisionnisme historique. Olympia de Stavros Psillakis et Mana de Valérie Kontakos m’ont fait réfléchir sur la façon dont le christianisme orthodoxe se confrontait avec l’identité nationale en Grèce, une oeuvre qui ajoute des aspects intéressants au débat sur la laïcité en France et au-dehors.

C’est pour cette raison que le cinéma documentaire est le meilleur ambassadeur d’un pays, celui qui initie de nouvelles conversations!

Yoana Pavlova

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