Festival international du film de Mannheim-Heidelberg

IMG_8004Quand les femmes élèvent le monde

Pour sa 65ème édition, du 10 au 20 novembre 2016, ce célèbre festival allemand a présenté une sélection aussi riche que diverse, de premier ou second longs métrages de réalisateurs au parcours et aux origines très diverses. De nombreux films européens et des œuvres venues d’Argentine, d’Iran, d’Israël ou des Etats-Unis. Un seul film  représentait l’Allemagne, dans une co-production avec l’Irak. Ce film de Hussein Hassan, Reseba/The Dark Wind, a fait polémique lors de sa première présentation à Heidelberg. Il revient sur les attaques récentes des groupes terroristes de Daesh sur les communautés Yezidis, un groupe religieux non-musulman et donc considéré comme « des infidèles » par les extrémistes. Lors de ces attaques, de nombreuses jeunes femmes ont été enlevées puis vendues comme esclaves, puis rachetées par leurs familles grâce à l’intervention de personnages douteux à la tête d’un trafic très lucratif. Le film montre à la fois le traumatisme de ces jeunes femmes et la répulsion d’une partie de leurs proches à les accepter à nouveau. Ce qui n’a pas plu aux contestataires (dont la plupart n’avait pas vu le film). Et qui montre combien il est toujours difficile de faire une œuvre de fiction avec des événements dramatiques très récents… Mais de toute la sélection officielle, ce fut sans doute le seul avec une aussi forte portée politique.

D’autres films ont dénoncé des faits de société où les crises politiques et sociales rendent difficiles le quotidien des protagonistes, mais ils l’ont fait moins frontalement. Ainsi Serge Avedikian, dans Celui qu’on attendait (France/Arménie) utilise l’humour pour rendre compte de la corruption rampante et de l’inefficacité de l’état et des tensions inter-communautaires qui empêchent l’Arménie d’être ce pays heureux dont rêvent ces habitants. Une Arménie que découvre avec bonheur un acteur égaré dans ses tournées, interprété par Patrick Chesnais. Taras Tkachenko s’appuie sur un personnage féminin dans The Nest of the Turtledove/Gnizdo Gorlytsi (Serbie) pour montrer la vie déchirée des travailleurs migrants. Daryna, employée de maison chez de riches italiens, connaît l’humiliation au quotidien, l’incertitude et la peur de perdre son travail si précaire, alors que sa famille est restée en Ukraine. Avec subtilité, le film montre à quel point nos relations sont perverties par l’argent et ce qu’il faut de courage pour accepter de redevenir soi-même, quitte à vivre plus modestement.

De nombreux films avaient pour personnages principaux des femmes confrontées soit à des traditions entravant leur liberté, soit à des hommes immatures (et parfois les deux en même temps…). Au 19ème siècle aux Etats-Unis, encore aujourd’hui en Iran, en Turquie… Ce sont aussi le chômage et la fin de la pêche artisanale qui poussent une jeune Bretonne à quitter son île et son enfance dans Souffler plus fort que la mer de Marine Place (France), ou le deuil et un chagrin insurmontable qui conduisent Ruth au suicide dans In View de Ciaran Creagh (Irlande), et permettent aux spectateurs de découvrir le remarquable travail de l’actrice Caoilfhionn Dunne.

Enfin, deux films qui font toute la saveur d’un festival. Celui d’Annick Ghijzelings 27 fois le temps (Belgique) est un long poème visuel et sensoriel, une réflexion sur le Temps. Que ce soit dans les îles du Pacifiquemannheim 16 jury fipresci où le futur, qu’on ne voit pas, est derrière nous, ou au Sahara où le nombre de thés bus ensemble donne la mesure du temps écoulé. Une œuvre originale où chaque image donne du sens à l’ensemble. La voix-off, légère comme un souffle, berce le spectateur face à ces images entremêlées de l’au-delà et du quotidien éternel. Une très belle découverte. Dans un tout autre registre, une excellente comédie de Milos Radovic, Train Drivers’ Dairy/Dnevnik Masinovode (Serbie). Une réalisation soignée, un décor inhabituel, des acteurs excellents et un humour macabre pour une histoire des cheminots hantés par la peur de ne pouvoir éviter un accident mortel. C’est drôle, c’est grinçant mais le réalisateur aime ses personnages et c’est toute la magie du cinéma qu’il convoque pour notre plus grand plaisir !

Le jury Fipresci a récompensé une réalisatrice et décerné son prix à To Keep the Light d’Erica Fae (Etats-Unis, 2016, 1h25).

Magali Van Reeth

 

Disparition de Pierre Billard

pierre-billardPierre Billard, critique et historien du cinéma, est mort. Créateur et directeur de « Cinéma », de 1952 à 1967, cet amoureux des films s’est éteint, le 10 novembre, à 94 ans. Il faisait partie de cette armée pacifique et relativement méconnue du grand public qui œuvre passionnément à la vie du cinéma en France, dont on peut prétendre, sans zèle, qu’elle est à nulle autre pareille. Critique et historien du cinéma, Pierre Billard est mort jeudi 10 novembre à Paris, rassasié de jours, à l’âge de 94 ans.

Sa vie, consacrée de bout en bout au cinéma, aura été marquée, comme pour tous les hommes de sa génération, par la seconde guerre mondiale. Né le 3 juillet 1922 à Dieppe, c’est dans cette même ville qu’il fait, sous l’Occupation précisément, une rencontre déterminante en la personne du philosophe Valentin Friedmann, qui y enseigne, du moins jusqu’à ce que le statut des Juifs ne l’exclue de la fonction publique. Spécialiste d’esthétique, ce Juif russe émigré en France est communiste et activement résistant. Il sera fusillé en 1942, non sans avoir adressé à ses bourreaux ce mot si beau qu’il confine à la légende : « Imbéciles, c’est pour vous que je meurs ! » Parmi de nombreux autres, Jean-Luc Godard s’empare de la formule dans Le Dernier mot (1988), un court-métrage réalisé en hommage au philosophe.

L’itinéraire de Pierre Billard va de l’expérience de l’abomination nazie à l’intérêt pour le cinéma. Ce raccourci trace l’itinéraire de Pierre Billard, qui va de l’expérience de l’abomination nazie dans les rangs de la Résistance à l’intérêt pour le cinéma. C’est ainsi qu’il rejoint, après-guerre, la société de distribution Procinex, liée au Parti communiste, tout en devenant un membre actif du mouvement des ciné-clubs, dont il est élu à la présidence de la Fédération en 1952. Il y crée le mensuel Cinéma, qu’il dirige de 1952 à 1967.

A compter de cette date, Pierre Billard diversifie ses activités, On le retrouve, comme critique de cinéma, aux Nouvelles littéraires et à L’Express, puis au Point en 1972, hebdomadaire dont il est le cofondateur. Il est également présent à la radio, au célèbre Masque et la Plume sur France Inter, à la télévision, où il produit l’émission de cinéma Champ-contrechamp, à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris, où il enseigne le cinéma, et au Festival de Cannes, où il devient conseiller du président à la fin des années 1980. Pierre Billard a également été rédacteur en chef du Film français au début des années 1980.

Entre filiation et rupture

Cette inlassable et relativement discrète activité s’accompagne de publications qui en disent plus long sur son goût critique, qui ne s’est jamais reconnu d’obédience. On y compte deux biographies très fouillées de René Clair (Le Mystère René Clair, 1998) et de Louis Malle (Louis Malle, le rebelle solitaire, 2003).

Et aussi un remarquable et monumental travail sur l’histoire du cinéma français, qu’il partage avec son fils, Jean-Michel Frodon, également critique de cinéma, et responsable à ce titre des pages cinéma du Monde de 1995 à 2003. Le père signe ainsi L’Age classique du cinéma français, pour une période allant de 1928 à 1959, le fils reprenant le témoin à compter de la Nouvelle Vague, avec L’Age moderne du cinéma français. Emouvant partage, quand on y pense, que celui de cette histoire tendue, tant dans l’objet étudié que pour ses auteurs, entre filiation et rupture.

Jacques Mandelbaum, Journaliste, Le Monde

Salon de l’édition DVD indépendante les 3 et 4 décembre

La 5ème édition du Salon de l’édition DVD Indépendante aura lieu les 3 et 4 décembre 2016 de 14hà 20h au Cinéma La Clef, 34, rue daubenton 75005 Paris.  Entrée libre et gratuite

19 éditeurs DVD indépendants présenteront leurs superbes catalogues issus de tous les genres du cinéma : nouveauté, film de patrimoine, western, cinéma de genre, documentaire, jeune public, cinéma français et étranger. Il s’agit de Aloest Distribution, Artus Films, Blaq Out, Contre-Allée, Docks 66, Ed Distribution, KMBO, Le Chat qui Fume, Les Documents Cinématographiques, Les Films du Whippet, Les Mutins de Pangée, Lobster Films, Malavida, Potemkine, Re:Voir, Survivance, Tamasa, The Ecstasy of Films, Urban Distribution.

Se tiendront des projections de certaines oeuvres, des rencontres avec les éditeurs, et des dédicaces de DVD par les réalisateurs, acteurs, journalistes et auteurs associés à leurs catalogue des éditeurs présents.