Soutien au cinéma iranien et à la liberté d’expression
Communiqué de Presse de l’Union des Journalistes de Cinéma du 20 décembre 2022
L’Union des Journalistes de Cinéma constate avec tristesse qu’alors que les cinéastes iraniens Mohammad Rasoulof, Mostafa Aleahmad et Jafar Panahi sont toujours incarcérés, c’est maintenant l’actrice Taraneh Alidoosti, vue cette année au Festival de Cannes dans le film en compétition Leila et ses frères, qui vient d’être arrêtée pour avoir comme seul tort d’avoir voulu s’exprimer librement.
L’Union des Journalistes de Cinéma demande la libération immédiate de ces personnalités du cinéma iranien reconnues dans le monde entier, récompensées dans les plus grands festivals de cinéma, dont le seul tort est leur liberté d’expression.
Le Caire 2022: « Things Unsaid » Quand le non-dit est discours
Things Unsaid réalisé par la macédonienne Eleonora Veninova a été sélectionné pour sa première mondiale en compétition officielle de la 44e édition au Festival International du film au Caire. Ce film n’a pas eu de prix dans ce festival mais mérite qu’on en parle.
Veninova choisit un récit concentré sur trois personnages. Maya jouée par Sara Klimoska, une jeune adolescente de presque dix huit ans, est envoyée par ses parents chez Ana (Kamka Tocinovski) et son mari Fillip (Blagoj Veselinov) pour passer quelques temps chez eux dans leur maison de vacances. Ana est photographe, Fillip est professeur des universités. Fervente de photographie, la passion des solitaires, Ana semble être absorbée par sa future exposition, elle se préoccupe de ses cadrages, des portraits, du jeu du clair obscur. Dans sa chambre noire, la révélation de chaque photographie est un moment de doute. Le personnage d’Ana est subtilement construit, elle est à la fois froide et distante, aimable et bienveillante, elle est attirante et répulsive. Fillip, attaché à sa femme, laisse voir tout au long du film un certain inconfort inavoué se traduisant dans sa distraction pour l’écriture, son indécision pour des choses simples ce qui ne l’empêche pas de se montrer aimant et compréhensif.
Maya perturbe la sérénité apparente du couple et commence à remettre en question des petits détails de leur vie, puis certaines certitudes, et enfin leur union maritale. Provocatrice, insouciante et assoiffée d’émotions, Maya bouleverse le silence du couple et le met mal à l’aise. Le personnage de Maya demeure une menace pour Ana et Fillip, dérangeant un certain ordre émotionnel préétabli au sein du couple. Elle s’isole tantôt avec Ana tantôt avec Fillip, jusqu’au moment où le couple n’arrive plus à communiquer. Mais chacun fait semblant d’être absorbé, occupé par autre chose, Ana par ses photos surexposées, comme si elle essayait de cacher quelque chose dernière et Fillip, en manque d’inspiration, s’attache à un chien qui s’est imposé de lui-même dans le foyer. La présence de l’animal est presque similaire à celle de Maya. Il provoque un certain inconfort, une certaine gène… jusqu’au moment où sa disparition provoque l’éclatement conjugal.
Tout au long du film, la réalisatrice a construit son récit en une suite de chapitres narratifs ponctués par un titre ambigu qui fait que le spectateur s’attend à plusieurs possibilités de dénouements. Le film est une attrayante combinaison de cinéma, de photographie, de littérature, qui interroge au fond la jeune femme, son mari et la jeune adolescente qui ose transgresser quelques règles . Things Unsaid traite de la complexité de l’âme humaine, quel que soit le sexe, l’âge ou l’orientation sexuelle. Eleonora Veninova dramatise les non-dits, langage, silence, expression, désir, rejet et blessure, à travers la question du corps qui plane tout au long du film. Le corps occupe les lieux, les objets, les pensées. Le corps est discours chez chaque personnage. Things Unsaid est un film faussement minimaliste, fort dans la simplicité trompeuse de son discours. Ce film nous apprend qu’il n’y a pas de vérité absolue, ni de règles intransgressibles, ni d’émotions indescriptibles. Things Unsaid est un film de non-dits à travers la construction poétique d’une pensée fragile.
Henda Haouala
Palmarès de la compétition Internationale:
Prix de la Pyramide d’Or du meilleur film : Alam, de Firas Khoury (Palestine)
Pyramide d’Argent, Prix Spécial du Jury, pour le meilleur réalisateur : L’Amour selon Dalva, d’Emmanuelle Nicot. (Belgique)
Pyramide de Bronze de la meilleure première ou seconde œuvre : Pain et sel, de Damian Kocur (Pologne)
Prix Naguib Mahfouz du meilleur scénario : Un homme» (A man), de Kei Ishikawa (Kosuki mukai) (Japon)
Prix du meilleur acteur (ex aequo) : Maher Elkh dans Le Barrage, d’Ali Cheri (Soudan) et Mahmoud Bakri dans Alam, de Firas Khoury
Prix de la meilleure actrice : Zelda Samson dans L’Amour selon Dalva, d’Emmanuelle Nicot
Prix Henry Barakat de la meilleure contribution artistique : 19B, de Ahmad Abdalla (Egypte) (directeur de la photographie : Mostafa Elkashef)