Cannes 2017
Pour son 70ème anniversaire, le Festival de Cannes 2017 nous a offert une sélection en demi-teinte, inégale dans la forme et aux histoires très sombres. Si sa programmation se veut un avant-poste du cinéma mondial et que le Septième Art est le reflet de nos sociétés, il semble difficile d’y trouver des raisons d’espérer.
La famille d’abord est ici bien malmenée. Les couples se déchirent (Faute d’amour, de Andrey Zvyagintsev), se trompent (Le Jour d’après, de Hong Sangsoo), se quittent (Le Redoutable, de Michel Hazanavicius), et quand l’amour est là, ils sont séparés par le terrorisme (Aus dem Nichts, de Fatih Akin), par la prison et l’oppression (Une Femme douce, de Sergei Loznitsa), par la maladie ou par la mort (120 Battements par minute, de Robin Campillo).
Les enfants ensuite, délaissés (Happy End, de Michael Haneke), enlevés, violés (You Were Never Really Here, de Lynne Ramsay) ou sacrifiés (Mise à mort du Cerf sacré, de Yorgos Lanthimos) deviennent les premières victimes, faibles et vulnérables, d’un monde d’adultes lâches, orgueilleux, égocentriques et violents.
Seuls deux films destinés à un public plus familial ont apporté une bouffée d’air, nostalgique pour l’un (Wonderstruck, de Todd Haynes) et plus satirique et actuel pour l’autre (Okja, de Bong Joon Ho), dans un registre fait de rêve et d’enchantement mais plus proche du conte ou de la fable que du « film de festival ».
Par ailleurs, le jour même des célébrations de ses 70 ans, le Festival a été marqué par le terrible attentat de Manchester qui a sonné comme un brutal rappel de l’actualité dans une compétition où celle-ci était relativement absente des films choisis. Seul Jupiter’s Moon de Kornel Mundruczo fait de la thématique des migrants son sujet central, en démarrant par une première séquence d’une traque par la police des frontières hongroises, hallucinante de vérité. Dans The Square, de Ruben Östlund (Palme d’Or) ou dans Happy End, elle n’apparaît qu’en toile de fond pour dénoncer l’aveuglement et le cynisme de nos sociétés occidentales nanties.
Dans ce contexte, et comme dans une sorte de contrepoint, le film de Naomi Kawase apparut comme la révélation de ce qu’est le cinéma : un art qui permet à l’Homme de regarder au-delà des images et de trouver, même dans les ténèbres, un chemin ‘Vers la Lumière’.
A noter pour terminer, deux films historiques qui nous ont offert des reconstitutions à l’esthétique impeccable mais manquant singulièrement de chair et de souffle (Rodin, de Jacques Doillon) ou souffrant d’une adaptation un peu sage d’un roman pourtant sulfureux (Les Proies, de Sofia Coppola). Et dans un registre plus haletant enfin, Good Time de Benny et Josh Safdie ou L’Amant double de François Ozon nous entrainent entre « polar » et thriller, dans deux œuvres à lecture multiple et au rythme savamment entretenu.
Comme chaque année, la remise conjointe des prix Fipresci et du jury œcuménique a ouvert la course aux récompenses cannoises, à la veille de la clôture du Festival. Le prix œcuménique a été décerné à Vers la lumière de Naomi Kawase et 120 battements par minute de Robin Campillo (France) a reçu le prix de la Fipresci dans la sélection officielle, Closeness de Kantemir Balagov (Russie) dans la sélection Un Certain Regard et The Nothing Factory de Pedro Pinho (Portugal) pour les sections parallèles.
Valérie de Marnhac
Palmarès de la compétition officielle Palme d’or : The Square de Ruben Ostlund Prix du 70e anniversaire du Festival de Cannes : Nicole Kidman Grand prix du jury : 120 battements par minute de Robin Campillo Prix de la mise en scène : Les Proies de Sofia Coppola Prix d’interprétation masculine : Joaquin Phoenix pour You Were Never Really Here de Lynne Ramsay Prix d’interprétation féminine : Diane Kruger pour In the Fade de Fatih Akin Prix du jury : Loveless, d’Andreï Zviaguintsev Prix du scénario : La mise à mort du cerf sacré de Yorgos Lanthimos & You were never really here, de Lynne Ramsay Palme d’or du court métrage : Xiao Chen Er Yue de Qiu Yang. Caméra d’Or : Jeune femme de Léonor Séraille.