Taipei Golden Horse Film Festival 2017
Afin de promouvoir le développement du cinéma taïwanais et de récompenser les meilleurs films, cinéastes et professionnels de l’année, le gouvernement de la République de Chine (R.O.C.) a créé en 1962 les premiers Prix Cheval d’or. (Golden Horse en Anglais)Le choix du nom « Cheval d’or » n’est bien sûr pas le fait du hasard. Il évoque naturellement le Lion ou l’Ours de Venise et de Berlin mais plus subtilement il reprend en mandarin les idéogrammes de deux petits archipels, Kinmen et Matzu situés à quelques encablures des côtes de la République Populaire de Chine dont la possession a été âprement défendue par Taïwan et qui constituent ainsi les symboles de la ténacité de la R.O.C. face à son grand voisin de l’Est.
Les Prix Cheval d’or ne sont pas les seuls prix décernés au cinéma à Taïwan, mais ils ont été les tous premiers dans le monde à récompenser des films en langue chinoise. Réservés à l’origine aux productions exclusivement taïwanaises, ils se sont étendus au début des années quatre-vingt-dix au cinéma de Hong Kong puis en 1996, avec la détente des relations entre les gouvernements de Taipei et de Pékin aux productions de la République Populaire de Chine. Ils se positionnent désormais comme l’une des principales compétitions pour l’ensemble des films en langue chinoise. Création gouvernementale, la compétition est par ailleurs depuis les années quatre-vingt-dix organisée par un organisme privé, le « Comité exécutif des Prix du Cheval d’or ».
Depuis 2007, désireux d’une plus large ouverture à l’international, les organisateurs des Prix Cheval d’or ont sollicité la collaboration de la FIPRESCI afin qu’elle désigne un jury susceptible de récompenser de jeunes et prometteurs talents. Le jury se compose de trois membres, deux critiques de cinéma étrangers et une ou un de Taïwan. Les membres du jury cette année étaient les deux critiques de cinéma Nachum Mochiach d’Israël et Chih-Yuan Liang de France, et en tant que personnalité du cinéma taïwanais Isabelle Wu critique et professeur de cinéma à Taïwan. Au bout d’une petite semaine de visionnage et de discussions parfois animées, le jury est parvenu à s’accorder sur son palmarès.
La sélection de huit films qui était soumise au jury se composait cette année uniquement de premiers films:
– Old Beast de Zhou Ziyang, une comédie-dramatique, représentant de la rare cinématographie de la Mongolie-Intérieure.
– Missing Johnny, une comédie moderne, du taïwanais Huang Xi, diplômé de cinéma aux États-Unis et qui a travaillé auprès de Hou Hsiao-Hsien.
– This is not what I Expected!, une comédie populaire, du hongkongais Derek Hui, monteur de nombreux films de Hong Kong et de Chine.
– Shuttle Life de Tan Seng Kiat, un drame social, originaire de Malaisie et diplômé du cinéma à Taïwan.
– The island the all flow by, une dramatique, du taïwanais Chan Ching-Lin, auteur d’un premier court métrage remarqué.
– The Receptionist, une comédie-dramatique, de l’unique réalisatrice de cette compétition, la taïwanaise Jenny Lu détentrice d’un doctorat des arts à Londres.
– See you tomorrow, une comédie burlesque, de style très hongkongais du chinois Zhang Jiajia, scénariste d’origine.
– The Great Buddha +, une comédie-dramatique film noir, du réalisateur taïwanais Huang Hsin-Yao, déjà auteur de nombreux documentaires. Son film est le seul à être par ailleurs nomminé au Cheval d’or pour le prix du meilleur film.
Après avoir visionné l’ensemble de la sélection, le jury de la FIPRESCI a retenu trois films lui paraissant susceptible de recevoir le prix. Old Beast, Missing Johnny et Shuttle Life. Old Beast pour son traitement cruel d’un sordide conflit familial, la forte tension psychologique qu’il dégage et sa fin à la fois totalement inattendue, tragique et glaçante. Situé à Taipei, Missing Johnny fait habilement se rencontrer ses trois personnages de solitaires dans une atmosphère pleine de naturel et de fraicheur. On y sent l’influence dans le rythme de ce premier film du maître Hou Hsiao-Hsien sur l’élève, le réalisateur. Shuttle Life, enfin, drame social naturaliste, gangréné par la misère remarquablement servi par ses acteurs. Ce film observe une micro-société plutôt défavorisée, également limitée à l’Asie du Sud-Est ; le scénario et la mise en scène nous rappellent étrangement le travail du cinéaste philippin Brillante Mendoza…Trois films aux styles très différents mais aux qualités cinématographiques incontestables.
Finalement, le choix du jury pour l’attribution du Prix international de la critique cinématographique de la FIPRESCI 2017 s’est porté sur Old Beast. L’intrigue de Old Beast est pleine d’une tension surprenante. C’est l’histoire de la réalité cruelle d’une famille, histoire qui pourrait se produire dans n’importe quelle ville du monde. Par ailleurs, on est emporté par les images très réalistes de la Mongolie-Intérieure. Les images du film sont grises et froides, à l’instar des tensions et conflits entre tous les protagonistes… La longueur volontaire des plans ne ralentit aucunement le rythme du film, mais au contraire tient en émoi le spectateur et c’est bien rare pour un premier film.
Dans Old Beast, le personnage du père est un animal sauvage incontrôlable et fier, interprété par l’excellent TU Men, dont la performance lui a fait remporter le Cheval d’or du meilleur acteur. En effet, sous une apparence bestiale, précise et naturelle, l’expérimenté TU Men nous donne à voir en même temps un être humain avec un grand cœur et un véritable amour pour sa famille. De fait, une belle et cruelle histoire d’AMOUR….
Chih-Yuan LIANG