Venise 2009

White Material

Le Festival de Venise 2009

(english version below)

Plus que dans tout autre grand festival, participer en tant que membre du jury fipresci crée un mélange d’exhaltation et de frustration car chaque matin, l’attente euphorisante de nouvelles découvertes signifie également  tourner le dos au magnétisme tentant , au rivage mythique de la cité des Doges, baignée dans une lumière dorée de l’autre côté de la lagune mais en revanche  se frayer un chemin à travers la jungle  que constitue le chantier de  construction du nouveau Palais et de disparaître finalement dans le noir des salles de projection.

Pourtant, pour cette 66ème édition, du festival de Venise son directeur, Marco Muller avait promis „un festival encore plus entertaining“ que dans les années précédentes. Et variété il y eut ! Avec un mélange de politique et pop, de  drames intimistes  et fresques sociales  , „pure arthouse „ films et films de genre, de thrillers et gore, le jury de la compétition officielle avait le choix entre le drame fiévreux post-colonial de Claire Denis,  White Material et le film „naturellement“ populaire Soul Kitchen, entre le miracle de Lourdes de Jessica Hausner etWomen without Men un film visuellement époustouflant de la videaste Shirin Nesrat, qui avait dedié son film à tous les militants pour la liberté en Iran. Ajoutez à cela le premier film du l’ex grand couturier américain Tom Ford A Single Man et Romeros le sanguinolant Survival of the Death, (dont la signification profonde avait été révélée par son fan-club de critiques italiens), l’incapacité d’un jeune homme tourmenté à trouver le bonheur dans le film poignant et profondément touchant de Patrice Chereau’, Persecution, et le mega-épique soap opera Baaria, de Tornatore, le film le plus cher de toute  l’histoire du cinéma italien. Mais n’oublions pas non plus la cruelle odyssée d’un guerrier viking muet dans Valhalla Rising de Nicolas Windiing refn et la superbe comédie noire sur l’ère Bush Life During Wartime de Ted Solondz, ni même le cyber conte punk pour adolescents, Testuo the Bullet man, ou le déchaînement coloré mais insupportable dans Pepperminta de Pippilotti Rist.

Et comme si 22 films ne suffisaient pas, Muller a encore sorti de son chapeau  deux films surprise – Lola, un très beau film de Brillante Mendoza, et un deuxième film de Werner Herzog dans la compétition totalement inutile , My son, my son, what have you done ; probablement une offre promotionnelle : deux pour le prix d’un?

Sans aucun doute l’un des moments forts du festival fut la présence de cinéastes americains porte-parole pour un renouveau democratique , avec à leur tête le pamphletaire Michael Moore , qui présentait dans la compétition son nouvel opus , Capitalism, a love story, avec pour cible le secteur bancaire et l’avidité du milieu financier tout en appelant à soutenir le programme social d’Obama.

Il s’est lié à Oliver Stone qui récuse dans son documentaire South of the Border l’image négative de Hugo Chavez dans les media, en rapprochant lors de son voyage à travers l’Amérique du Sud Evo Morales, Lula da Silva, Cristina et Nestor Kirchner, Fernando Lugo, Rafael Correa et Raul Castro derrière le leader venezuélien, salué d’une seule voix comme le nouveau Bolivar. Mais la palme est revenue évidemment à Chavez lui même qui est apparu en personne sur le Lido pour la projection du film de son ami Oliver Stone, entouré d’une énorme foule enthousiaste.

Les sections Orrizonti et la Settimana della critica présentaient chacune un grand nombre de films révélateurs des différentes parties et richesses cinématographiques de notre monde. Si beaucoup de ces cinéastes ont certainement du talent, finalement c’est la section Venice days qui a montré les films les plus intéressants de ces sections parallèles. Malheureusement, elle n’était pas prise en compte pour notre Prix Fipresci. Parmi eux, nous noterons le portrait poignant de la face cachée de Téhéran avec sa violence,Teroun, le premier film de Nader Homayoun, dans lequel les pauvres et la mafia locale font le commerce des nouveaux nés ; Honeymoons, de Goran Paskajevic, la première coproduction serbo-albanaise depuis l’éclatement de la Yougoslavie, ou encore Harragas du réalisteur algérien Merzak Allouache qui suit dans un style quasi documentaire les tentatives desepérées mais incessantes des Algériens deshérités et des africains sub-saheliens pour traverser la méditerranée ; partis dans de petites coquilles de noix de Mostaganem vers la côte espagnole afin d’échapper à leur vie misérable, ils sont souvent capturés par les gardes côtes et renvoyés vers l’Algérie, ou meurent noyés .

Sans surprise, le Lion d’Or a été attribué au film israélien Lebanon,, de Samuel Moaz, qui raconte l’invasion du Liban par Israel en 1982 , à travers les témoignages de plusieurs jeunes soldats à l’intérieur d’un tank, et qui voient la guerre uniquement à travers les jumelles ,  seuls yeux, de leur véhicule blindé. Basé sur sa propre histoire, et tout comme Ari Folman avec son film Valse with Bachir , Moaz évoque le traumatisme d’une génération entière de jeunes soldats israéliens. Pour Moaz, le film a été une sorte de catharsis, qui lui a permis de retrouver ses vrais sentiments et de “pleurer encore une fois de vraies larmes”.

Mais malheureusement, dommage que lors de la conférence de presse, il n’ait rien eu à dire à un jeune journaliste libanais qui voulait parler des larmes libanaises.

Barbara Lorey de Lacharrière

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Venice Film Festival 2009

More than in any other big film festivals, attending the Venice Film festival as a Fipresci juror creates a mixed feeling of exhaltation and frustration , where every morning, the renewed euphoric expectation of new discoveries also means turning once again your back to the magnetically tempting, mythical skyline of old Venice, bathed in golden sunlight on the other side of the laguna, and to fight instead one’s way through the boardwalk jungle around the construction site of the new Palazzo Nuova, and to finally disappear into the dark of the screening rooms.

However, for this year’s 66th edition, Venice Film Festival director Marco Muller promised a „much more entertaining festival“ than in previous years. And entertaining it was ! With a wide mixed range of politics and pop, social and individual drama, arthouse pure and genre films, thrillers and gore, the jury in the main competition section had to choose between Claire Denis’ feverish post-colonial drama White Material and Fathi Akin’s feel-good crowd-teaser Soul Kitchen, Jessica Hausner’s miracle of Lourdes and the visually arresting Women without Men, by Iranian video artist Shirin Neshat, who dedicated her film to all Iranian freedom fighters . Add to this, US ex-Gucci fashion designer Tom Ford’s debut film A Single Man and Romero’s deflty carnivorous Zombiefilm, Survival of the Death (whose deeper meanings were revealed by his fan club among the italian critics), Patrice Chereau’s poignant and deeply moving account of a tormented young man’s inaptitude for happiness , Persecution, and Tornatores mega-epic soap opera Baaria, the costliest Italian film ever. But let’s not forget  Nicolas Winding Refn’s cruel scope-odyssee of a mute Viking warrior, Valhalla Rising and Ted Solondz’ brilliant and dark Bush- era comedy Life During Wartime, not to speak of the cyber punk tale for adolescents, Testuo the Bullet man, or Pippilotti Rist’s colorful exploding but unbearble Pepperminta.

And as if 22 films were still not enough, Muller pulled yet another two surprise films out of his hat – Lola, Brillante Mendoza at his best, and a totally unnecessary second film by Werner Herzog for he competition, My son, my son, what have you done – probably a „buy one-get one free“ offer?

One of the highlights of the festival was undoubtedly the much acclaimed presence of American heavyweight voices for a democratic renewal, led by pamphleteer Michael Moore who presented in the competition section his new opus, Capitalism, a love story, targeting the banking industry and financial greed and calling for the support of Obama’s social agenda.

He joined forces with Oliver Stone who challenges in his documentary ,South of the Border, the negative image of Chavez in the media, rallying on his trip through South America Evo Morales, Lula da Silva, Cristina and Nestor Kirchner, Fernando Lugo, Rafael Correa and Raul Castro behind the Venezuelan leader, praised in one voice as a new Bolivar. But the icing on the cake was of course Chavez himself, who appeared in person on the Lido for the screening of his friend’s film, surrounded by a huge, enthusiastic crowd.

The abundant Orrizonti and the Settimana della critica section each presented a great number of films highlighting the many different regions and cinematographic richness of our world. Many films showed talent, but ultimately, it was the Venice days section, unfortunately not considered for our Fipresci award, that revealed the most interesting films from these sidebar sections, such as the poignant portrait of Teheran’s violent underbelly, Teroun, a first film by Nader Homayoun, in which the poor and local mafia are traficking in newborn babies; Honeymoons, by Goran Paskaljevic, the first Serbian-Albanian co-production since the breakup of Yugoslavia, or Harragas, by Algerian veteran director Merzak Allouache, who follows in a quasi documentary style the incessant, desperate attempts of disinherited Algerians and subsaharan Africans to cross the Mediterranean in small nutshells from Mostaganem towards the Spanish coast to escape their miserable life, and who either drown or get captured by the coast-guards and sent back to Algeria.

Not surprisingly, the Golden Lion went to the Israeli film Lebanon, by Samual Moaz, who tells the 1982 invasion of Lebanon by Israel, as witnessed by several young soldiers who are sitting inside a tank, and see the war only through the binocular-eyes of their armoured vehicule. Based on his own story, and just as Ari Folman’s Valse with Bachir, Moaz evokes the traumatism and the suffering the war inflicted on a whole generation of young Israeli soldiers. For Moaz, the film was almost a catharsis, giving him his real feelings back and allowing him to “cry real tears once more”. But sadly enough,(unfortunately?) at the press conference, he didn’t have anything to say to a young Lebanese journalist who wanted to talk about the tears in Lebanon.

Barbara Lorey de Lacharrière