San Sebastian se réveille!

Pour sa 59ème édition, le festival de San Sebastian s’est soudain réveillé : meilleure programmation, des séances quasi complètes et un palmarès qui décoiffe ! Si ces derniers temps la sélection ronronnait en terre basque, cette année la qualité était au programme et le public a répondu présent avec un bel enthousiasme. Pratiquement toutes les séances, de presse, de gala, au Vélodrome avec le public ou au Kursaal avec les invités, étaient complètes. Dans la sélection officielle, un beau mélange de réalisateurs confirmés et de jeunes talents, de films espagnols et asiatiques, de genres, du polar à la comédie.

Parmi les bonnes surprises, le nouveau film de Sarah Poley, Take this Waltz, un marivaudage très contemporain où le corps est complètement refoulé (ou en dépôt à la cuisine), laissant les sentiments et les trahisons se faire et se défaire en pensée… A l’opposé, la Madame Bovary d’Arturo Ripstein est plus charnelle, toujours dépressive et tout aussi mauvaise mère (elle nourrit sa fille chez Macdo) : Le Cœur a ses raisons, un huis-clos oppressant, serré, avec une remarquable mise en scène. Déception en revanche avec Amen de Kim Ki-duk qui filme ses souvenirs de vacances en Europe et nous les livres un peu bâclés.

Autre surprise, le rire est venu avec deux films français. Le Skylab où les vacances très franchouillardes de Julie Delpy ont emporté toutes les salles mais comme le disait un critique argentin hilare en sortant de la projection de presse, « les années 70, c’était les années 70 partout » ! Intouchables d’Eric Toledano et Olivier Nakache était présenté en clôture et a su autant émouvoir que faire rire, avec la rencontre d’un handicapé très riche et d’un grand mec cool un peu racaille, un moment de bonheur dans la grande salle du Kursaal.

Enfin dernière surprise, et de taille, un palmarès ébouriffant. La « Concha d’or » a été attribuée à Los Pasos dobles d’Isaki Lacuesta (Espagne/Suisse), un film qui n’avait même pas retenu l’attention des amateurs de pronostics. Le jeune réalisateur espagnol laisse ses personnages partir à la recherche des traces d’un peintre au pays Dogon. Rarement la notion très particulière du sacré, du mystère et du rôle très particulier de la nature et des ancêtres dans les sociétés africaines, n’a été aussi bien mise en images. On comprend pourtant que ce soit déroutant pour le grand public. Pratiquement tous les autres prix décernés par le jury présidé par l’actrice Frances Mc Dormes, ont été aussi déroutant pour le public.

Pour le prix du public, jusqu’au bout, la bataille a été serrée entre Et maintenant on va où ? de Nadine Labaki et Une Séparation d’Asgar Faradhi mais le dernier jour, c’est The Artist de Michel Hazanivicius qui a fait le raz de marée dans le cœur des spectateurs, avec un taux de satisfaction quasi unanime. Du côté des prix parallèle, pas de grande surprise en revanche. La Fipresci a récompensé le très « fiprescien » Sangue de meu sangue, du réalisateur portugais Jaõa Canijo ; les associations LTGB, Albert Knobs de Rodrigo Garcias, où Glenn Close interprète une femme parfaitement dissimulée sous un habit de maître d’hôtel dans un établissement très chic de l’Irlande du 19ème siècle. Enfin, le jury Signis a choisi le nouveau film de Hirokazu Kore-Eda justement intitulé Miracle.

Magali Van Reeth

Pour la liberté d’expression des cinéastes iraniens

Communiqué de Presse du 28 septembre 2011

L’Union des Journalistes de Cinéma constate avec tristesse que les arrestations arbitraires, avec des chefs d’accusation politiques ou « d’espionnage » de cinéastes iraniens continuent à se produire et se sont récemment multipliées avec six nouvelles incarcérations. Les réalisateurs Mojtaba Mirtahmasb, Katayoun Shahabi, Hadi Afarideh, Nasser Saffarian, Shahnama Bazdar and Mohsen Shahrnazdar ont été accusés de collaboration avec la BBC (interdite en Iran) et de ne pas donner une image assez positive de l’Iran dans leurs films.

Une fois de plus, la censure et l’atteinte à la liberté d’expression du cinéma iranien ne suffisant apparemment pas, c’est à la liberté des cinéastes qu’il est encore porté atteinte, pour des raisons uniquement politiques. Comme pour toute situation de ce genre, quel que soit le pays où elle a lieu, l’Union des Journalistes de Cinéma exprime sa solidarité et son soutien aux cinéastes iraniens détenus.

Le Festival de Toronto toutes voiles dehors !

On savait déjà depuis quelques années que le Festival de Toronto était devenu l’une des trois ou quatre manifestations cinématographiques les plus importantes au monde, aussi bien du point de vue des films présentés que de celui de la profession, en particulier des exportateurs et acheteurs de films. Cette année, le Festival a bénéficié de la mise en service complète du Bell Lightbox, un immeuble entier flambant neuf comportant cinq salles de cinéma et des espaces d’exposition et de réunion, qui lui appartient en propre, après une souscription privée considérable. La manifestation s’est en outre maintenant regroupée dans la vicinité de son nouveau quartier général, sur quelques pâtés de maison de la ville, devenant ainsi infiniment plus facile pour les festivaliers. L’ouverture aux projections spéciales de la grande salle voisine de 1.500 places du théâtre « Princess of Wales » voisin a également donnée de nouvelles possibilités cette année.

Mais l’édification d’une domicile permanent propre au Festival, avec de nombreuses autres manifestations dorénavant organisées tout au long de l’année, n’est pas la seule ambition de Piers Handling, qui dirige de longue date l’ensemble de ces opérations. Assisté par Cameron Bailey à la codirection du Festival du Film à proprement parler, Piers Handling est une fois de plus parvenu à présenter au début de l’automne la fine fleur du cinéma mondial, qu’il s’agisse des films d’auteur ou des « locomotives » hollywoodiennes – ce qui en fait un événement de plus en plus « glamour » qui a maintenant aussi l’honneur des pages des magazines « people »: Georges Clooney, « Bragelina », Madonna ou Juliette Binoche, les flashes des photographes ont crépité!

L’aspect non compétitif du festival lui a en outre permis, comme chaque fois, de présenter aussi bien des films inédits, que des films « phare » présentés durant les mois précédents dans le monde entier, à commencer par les films les plus forts du Festival de Venise (avec un léger décalage symbolique seulement). Qu’il s’agisse du Lion d’or, le Faust, film de la maturité d’Aleksander Sokurov, de Shame, dont la mise en scène remarquable de Steve Mc Queen a valu à son acteur principal, Michael Fassbender, la Coupe Volpi du meilleur acteur, ou du populaire film d’ouverture, Les Ides de mars, de George Clooney, Venise était à Toronto, en somme. Mais l’on y vit aussi plusieurs des grandes nouveautés anglo-saxonnes de l’automne, y compris parfois des œuvres de facture plus « grand public », comme l’intelligent et humoristique Hysteria, de la réalisatrice Tanya Wexler, avec notamment Maggie Gillenhaal, le désopilant The Oranges, de Julian Farino, avec une distribution menée par Oliver Platt, Leighton Meester, Allison Janney et Hugh Laurie, ou le Trespass de Joel Schumacher avec Nicole Kidman, lui, huis clos bien banal, en vérité, comparé à ceux de Michael Hanneke… On vit aussi à Toronto Damsels in distress, le grand retour à l’écran après une longue absence, de Whit Stilman, l’auteur de Barcelona, un film dont l’humour complice se lit à chaque instant à plusieurs degrés tant il est en réalité fait de subtiles complexités superposées.

Au total, le Festival, ce fut 336 films, en provenance de 65 pays (dont 268 longs métrages) projetés dans une vingtaine de sections, de la populaire « Midnight Movies » dédiée aux films qu’on aurait autrefois qualifiés « de Série B », à la plus allusive section de documentaires « Real to reel ». Parmi eux, les films français furent nombreux, plus d’une trentaine, menés notamment par The Lady, le film de Luc Besson inspiré par la vie de la dissidente birmane Aung San Suu Kyi, et par Mon pire cauchemar, en première mondiale, le nouvel opus d’Anne Fontaine dont Isabelle Huppert tient la vedette en compagnie de Benoit Poelvoorde.

Les habitants de Toronto se pressèrent nombreux dans les salles durant les onze jours du festival, comme à l’accoutumée, et récompensèrent du « Grand Prix Cadillac du Public« , Where do we go now?, le second film de la réalisatrice de Caramel, Nadine Labaki. Les critiques de la Fipresci décernèrent quant à eux leur « Prix de la Critique Internationale » au vétéran italien Gianni Amelio pour Le Premier Homme et à Axel Petersen pour Avalon.

Quant aux professionnels, ils se bousculèrent lors des projections qui leur étaient réservés, même si la crise sembla initialement ralentir les flux d’achat. Mais vendeurs et acheteurs étaient bien tous là, ou presque, comme à Berlin ou à Cannes, comme on a notamment pu le vérifier lors des très courues réception d’Unifrance ou de « European Film Promotion », l’organisme de promotion du cinéma européen – qui avait à nouveau organisé son initiative d’aide aux coproductions entre l’Europe et le Canada, « Producers Lab Toronto« . Le cinéma mondial était bien présent dans la « Rue Royale » (King Street) de Toronto en septembre!

Philippe J. Maarek

Un palmarès épatant pour une Mostra qui ne le fut pas moins

A Venise, les propositions n’ont pas manqué, de la recherche formelle la plus exigeante à l’engagement social le plus prégnant.

Décidément, l’année aura été favorable au cinéma. Après une moisson cannoise si riche qu’on aurait pu redouter une mise en jachère obligée, la récolte vénitienne aura été de même portée. Avec en cerise sur le gâteau un palmarès presque de bout en bout conforme à nos souhaits. Comme le souligne l’ensemble de la presse italienne, pour une fois les meilleurs ont gagné.

Saluons d’abord le Lion d’or attribué à Alexander Sokourov. Ce créateur majeur de notre temps n’avait jamais encore obtenu de récompense à sa mesure, jugé trop élitiste sans doute. Voilà qui est fait avec ce Faust, à la fois transposition fondamentalement fidèle du texte de Goethe, donné en allemand, et prolongement de la réflexion du cinéaste sur l’essence du pouvoir. Film très impressionnant aussi, Shame de Steve McQueen, qui repart avec le prix de la critique internationale et l’interprétation masculine pour Michael Fassbender, le magnifique comédien qui jouait Bobby Sands, membre de l’IRA, conduisant sa grève de la faim jusqu’à la mort dans Hunger, le premier film de McQueen. Même maîtrise totale ici du jeu comme de la mise en scène, mais opposition de contexte puisque nous sommes chez les yuppies new-yorkais du moment. Dans le film précédent on mourrait pour ses convictions, ici de ne pas en avoir, la consommation effrénée du sexe tentant de combler un vide existentiel antonionesque. L’interprétation féminine n’a pas non plus suscité la moindre contestation tant est évident le talent de Deanie Yip, une cinquantaine de titres à son actif mais inconnue chez nous, dans le film de Ann Hui, Une vie simple. On est aussi ravi de trouver au palmarès en prix spécial du jury Terraferma d’Emanuele Crialese, le pendant italien de Philippe Lioret. Nous sommes là dans la tradition du néoréalisme, dans une de ces îles (Lampedusa est la plus connue) qui voit débarquer au péril de leur vie des immigrés venus d’Afrique, ce qui n’a pas l’heur de plaire à nombre d’autochtones non tant racistes en soi que vivant du tourisme, eux-mêmes contraints à cette activité car la pêche ne donne plus. Le film sait exposer les problèmes dans leur complexité, allant jusqu’à souligner la différence entre les générations venues de la Résistance et celles simplement conduites par le profit.

Un palmarès sans faute donc, nos seuls bémols étant pour le prix du scénario à Alpis nouveau film de l’auteur de Canine, Yorgos Lanthimos, qui nous avait déjà fort énervé, et, secondairement, la légère surévaluation qui a conduit à donner le Lion d’argent de la mise en scène au deuxième film de Cai Shangjun, Gens de la montagne gens de la mer (c’est une expression chinoise) qui, sous prétexte de traque d’un assassin, nous permet de découvrir les dures conditions de travail à la mine, comme des paysages dignes de westerns.

Jean Roy

Un 8° Abricot d’or goûteux à Erevan!

Le 8ème Festival international du film d’Erévan, s’est tenu en Arménie du 11 au 17 juillet. Cette manifestation est appelée Abricot d’or, en hommage au fruit si goûteux dont c’est la pleine saison en ce début d’été.

Le Festival, c’est l’occasion unique de voir en Arménie le meilleur du cinéma contemporain. The Tree of Life de Terence Malick, Copie conforme d’Abbas Kiarostami, Melancholia de Lars Von Trier, Pina de Wim Wenders, Le Cheval de Turin de Bela Tar ou Il était une fois en Anatolie de Nuri Bilge Ceylan ont été projeté devant un public très jeune et avide de cinéma qui a envahit les salles de projection du Palais Moscou. Il est vrai qu’Erévan ne compte plus qu’une seule salle commerciale. Bela Tar, Abbas Kiarostami et Nuri Bilge Ceylan sont venus présenter leurs films et répondre aux nombreuses questions du public. Dans la compétition internationale, Une Séparation d’Asghar Faradi qui a remporté la récompense la plus prestigieuse, l’Abricot d’or. Le réalisateur iranien n’a pas pu, pour des raisons politiques, venir recevoir ce prix.

La sélection arménienne a permis aux nombreux participants de découvrir la richesse artistique de ce pays dont la culture est millénaire et l’histoire dramatique. Le génocide de 1915 et les relations douloureuses avec la Turquie sont souvent au cœur des documentaires et donnent aux films de fiction une intensité particulière.

Une rétrospective des films de Dmitry Kesayants (1931/2001) a permis de découvrir ses films les plus anciens, dont Le Maître et le serviteur (1962) ou Le Roi Chakh-Chakh (1969) et de voir que la critique du régime soviétique peut s’exprimer sous forme de fables en apparence inoffensives.

Mais le film du réalisateur américain Brandon King, Here, entièrement tourné en Arménie, a dérouté les spectateurs. C’est l’histoire d’une rencontre amoureuse entre un géographe américain, chargé de cartographier l’Arménie, et une jeune photographe arménienne, qui parcourent ensemble le pays. Si les spectateurs arméniens ont savouré la beauté des paysages, ils ont eu du mal à accepter que le rôle principal soit confié à une non-arménienne, en l’occurrence Lubna Azabal (pourtant remarquable quand on ne parle pas couramment arménien…) et se sont plus attachés à repérer les erreurs que les partis-pris artistiques ou techniques.

Heureusement, d’autres films ont su gagner le cœur du public. Que ce soit des films de fiction, comme Lever de soleil sur le lac Van d’Artak Igityan et Vahan Stepanyan, évoquant avec finesse et humour la transmission de l’âme et de l’histoire arménienne entre un survivant du génocide et ses enfants et petits-enfants vivants à l’étranger. Ou documentaire comme Le Dernier hippy de la ville rose d’Anastasia Popova qui a permis d’évoquer le travail foisonnant de Robert Sahakyants, dessinateur et auteur de plusieurs films d’animation

Les pays de la CEI (états indépendants de l’ex Union soviétiques), pour fêter leurs 20 ans d’indépendance, avaient une sélection particulière, occasion unique de voir des films du Kazakhstan, Biélorussie, Tadjikistan, Moldavie ou Ouzbékistan et d’admirer la façon dont les cinéastes locaux utilisent la grammaire universelle du cinéma pour dire leurs préoccupations et leurs espérances. Enfin, pour la première fois cette année, le Festival accueillait une compétition de court-métrages. C’est Glasgow de Piotr Subbotko (Pologne) qui a été récompensé.

Magali Van Reeth

Le Festival de Seattle 2011

«Out of America»

Le jury FIPRESCI au 37e Festival International du Film de Seattle a été invité à primer le « meilleur nouveau film américain »  qui n’a pas encore trouvé un distributeur aux États-Unis. L’équipe de programmation du SIFF avait indiqué dans sa présentation qu’ils ont « sillonné le pays pour trouver les derniers et les plus grands films que les cinéastes indépendants américains ont à offrir». « Comme le paysage américain devient jonché des détritus de plus en plus fracturé d’une culture populaire jetable» expliquent-ils,  » le SIFF croit que ces films et ces cinéastes représentent la première vague d’une nouvelle tradition, plus résistante et, en définitive, durable de la narration ( storytelling) américaine « .


S’il en est ainsi, pour un juré ou critique étranger , les principaux thèmes et idées trouvés et exprimés dans cette sélection pourraient être, par conséquent, considérés comme une représentation légitime des tendances sociales et culturelles et des visions de la réalité, à la fois dans le cadre du monde des cinéastes indépendants américains « sans distributeurs aux États-Unis », ainsi que celles de toute une génération de jeunes artistes ou d’intellectuels, dans un monde changeant et globalisé (comme les penseurs contemporains et les politiciens aiment à le définir).Curieusement, ou non, dans ce nouveau monde du « nouveau cinéma américain», l’Amérique n’en est plus le centre. Le «rêve» n’est plus américain, il est ailleurs, au-delà des frontières, dans un monde « étranger » qui existe tout d’un coup et fournit un refuge sentimental, socioculturel, voire politique pour les déçus.


Dans le « storytelling » cinématographique américain traditionnel, l’Amérique a toujours été « le Monde ». A la recherche de la réussite, du bonheur, du salut personnel ou, d’autre part, fuyant le destin, toutes ces «odyssées» ont eu lieu au sein des frontières des États-Unis : La fièvre de l’or ou de la célébrité en Californie, peur et dégoût à Las Vegas ou nuits blanches à Seattle. Autrefois le héros des « road movies » voulait se rendre à Memphis ou à Hollywood … Aujourd’hui, Jimmy Testagross (Ron Eldard) dans « Roadie » de Michael Cuesta est viréde son travail et obligé de rentrer chez sa mère dans le Queens et à affronter son passé, tandis que ses anciens camarades de la bande vont en tournée en Amérique du Sud. « Le rêve sud-américain «  de Jimmy est brisé. Le «rêve américain» n’est plus qu’une pauvre émission de » téléréalité » ou un cauchemar, un symbole de l’échec. Et l’Amérique du Sud n’est plus synonyme de pauvreté, de danger, de drogue ou de corruption, elle devient une fenêtre sur le monde (nouveau). Le centre du monde pour les héros de « August » de Gay Eldar Rappaport ne se trouve pas aux États-Unis – c’est l’Espagne ou même le Royaume-Uni. «J’ai eu quelqu’un comme vous qui a promis qu’il veut rentrer à la maison. Après trois mois, il est retourné à Londres « , dit le patron de Troy (Murray Bartlett) quand il cherche du travail après un séjour de plusieurs années à Barcelone. Troy, évidemment, sera de retour à Barcelone. Et son ancien amant Jonathan (Daniel Dugan) qui rêve de Madrid va finalement se contenter d’un remplaçant Mexicain. Le très « post-Kubrickien » « Love » de William Eubank commence au cours de la guerre de Sécession, lorsque le lieutenant Lee Briggs se lance dans une mission secrète d’enquête sur un objet mystérieux trouvé dans un canyon du désert occidental. L’action bondit vers l’avenir assez proche, où l’astronaute Lee Miller se rapproche de la fin de son service à bord de la navette spatiale internationale. Cependant, toutes les communications avec la terre s’arrêtent. Miller se retrouve piégé seul, ses systèmes d’aide vitale et sa santé mentale dépérissent. Jusqu’à ce qu’il apprend qu’il n’ya plus de chemin du retour, parce que le monde réel qu’il avait connu n’existe plus . La guerre civile s’est avérée finalement inutile. Dans la mission sur Terre des » Codependent Lesbian Space Alien Seeks Same « , la réalisatrice Madeleine Olnek veut, bien sûr, souligner les problèmes de leurs homologues en Amérique. Là ce ne sont pas des émotions hyperactives qui menacent de détruire la couche d’ozone de notre planète, mais certains gaz à effet de serre prosaïques.
Qu’est qui fait fuir le rêve américain hors d’Amérique? Est-ce la crise économique mondiale qui empiète naturellement sur l’industrie du cinéma? Le monde « post-américain » qui devient politiquement « multipolaire »? La « Fin de l’Histoire », tandis que d’autres commencent la leur? L’ouverture d’une nouvelle génération vers «L’Autre»? Ou, peut-être, des peurs ancestrales et des sentiments de culpabilité, comme ceux qui portent les héros du plutôt gentil « Bigfoot film » écologique de Christopher Munch « Letters From Big Man« , hantés par la présence des habitants « originaux » de leur forêt face à la menace envahissante de la déforestation.


Notre magnifique film primé « On the Ice »», tourné au milieu des champs de neige et des glaciers de Barrow, en Alaska (avec une partie du dialogue parlée dans la langue autochtone) se termine par le départ du coupable, ou auto-coupable héros de sa patrie vers l’inconnu. Nous aimerions croire qu’il va trouver la chaleur, l’ouverture, la bonté et la miséricorde ailleurs dans ce monde. Mais serait-il vraiment capable d’échapper à son destin, dans ou en dehors de l’Amérique? Nous ne le saurons pas.

Gideon Kouts

Pour Mahnaz Mohammadi

Communiqué de Presse du 1er Juillet 2011

L’Union des Journalistes de Cinéma s’élève vigoureusement contre l’arrestation sans préavis et sans aucune information concernant les chefs d’accusation de la cinéaste iranienne Mahnaz Mohammadi, la réalisatrice du film « Femmes sans ombre », militante engagée des droits de la femme, venant après plusieurs autres condamnations et arrestations d’autres cinéastes ces derniers mois.

La censure et l’atteinte à la liberté d’expression du cinéma iranien ne suffisant apparemment pas, c’est à la liberté des cinéastes qu’il est maintenant systématiquement porté atteinte, pour des raisons uniquement politiques.

Comme pour toute situation de ce genre, quel que soit le pays où elle a lieu, l’Union des Journalistes de Cinéma exprime sa solidarité et son soutien à Mahnaz Mohammadi.

Le boom du cinéma d’animation: Annecy 2011

Le 51ème Festival international du Film d’animation, qui s’est tenu sur les bords du lac d’Annecy du 6 au 11 juin dernier, a confirmé l’extraordinaire boom du cinéma d’animation.

Etudiants, producteurs, fans, patrons de studios et réalisateurs – entre autres, Bill Plympton (L’impitoyable lune de miel) et Carlos Saldanha (Rio) : ils étaient tous venus fêter la belle santé d’un genre qui représentait en France 30,24 millions d’entrées en 2010.

Outre la compétition officielle, particulièrement complète avec 180 films sélectionnés parmi près de 2000 candidats (tous formats et toutes nationalités confondus), le festival a pu une nouvelle fois mesurer son succès à la fréquentation de son marché : 450 exposants et 238 acheteurs pour cette édition 2011.

Le Jury Fipresci, qui s’est concentré cette année sur la compétition des courts et des longs métrages, a décerné son prix à Luminaris, un court métrage argentin signé Juan Pablo Zaramella, dont le charme et l’ingéniosité ont également été récompensés du Prix du Public.

Mais le succès du festival d’Annecy, ce sont aussi ses avant premières (entre autres le très ambitieux Prodigies d’Antoine Charreyon) et ses cessions de « Work in Progress », qui permettent de mesurer l’avancée de projets en cours de production. Cette année ont ainsi été dévoilées les premières images de La mécanique du cœur, des Français Mathias Malzieu et Stéphane Berla, et du très attendu Albator – Le corsaire de l’espace, adaptation 3D de la série culte, dont le premier trailer a été présenté en avant-première mondiale et en présence du créateur du dessin animé original, Leiji Matsumoto.

Notons enfin le dernier atout de ce festival extrêmement chaleureux : il n’oublie pas le grand public ! Chaque soir, des projections en plein air ont réuni en moyenne 5000 spectateurs conquis…

Mathilde Lorit

Disparition de Michel Boujut

Nous avons eu la tristesse d’apprendre le décès de Michel Boujut, qui avait obtenu le Prix 2006 de l’UJC pour l’ensemble de son oeuvre

Critique de cinéma d’abord et avant tout, il devait sa notoriété à la célèbre émission Cinéma Cinémas d’Antenne 2, qui marqua les esprits pendant toute une décennie, de 1982 à 1991. Il en était le co-producteur, et faisait souvent les voix off. Mais sa carrière de critique dans la presse écrite avait été tout aussi importante, de Télérama à L’Evénement du Jeudi ou Les Nouvelles Littéraires. Il avait aussi écrit plusieurs romans, dont Le jour où Gary Cooper est mort, un texte autobiographique qui montrait bien comment naquit sa passion du cinéma.

Cannes 2011, ses attraits et la raison de son succès

Pour chaque critique de cinéma, le festival de Cannes est un rendez-vous qu’il faut honorer, il est indispensable de s’y rendre. Pourquoi ?

Parce que Cannes, c’est non seulement la vitrine par excellence du cinéma mondial, mais aussi le centre des évènements para-cinématographiques du monde pendant douze jours. Cannes devient même par ricochet un terrain favorable aux débats concernant les problèmes politiques du monde. C’est pour cette raison que l’engagement tantôt franc et tantôt subtil de sa direction aux côtés des cinéastes malmenés dans leur pays d’origine, en a fait un lieu de haute voltige diplomatique.

Mon expérience personnelle du cru 2011 doit être partagée en trois parties : mon impression de la sélection; l’évènement créé autour des deux films iraniens, dus à deux cinéastes condamnés par le régime iranien, et sélectionnés à la dernière minute; enfin, mon statut cette année de membre du jury de la FIPRESCI

La sélection

Cette année, comme toutes les autres, on a eu droit aux « grosses pointures » du cinéma qui attirent du monde et font la réputation d’un festival. En revanche, ce systématisme donne l’impression qu’elles considèrent garantie à vie une place en compétition, et qu’elles se laissent aller à paresse et négligence. Woody Allen figure ici en tête, sauf qu’il a choisi de ne participer à aucune compétition depuis quelques années et de ce fait on peut lui accorder des conditions atténuantes. D’autant qu’il a rendu joliment hommage à Paris dans son dernier opus Midnight in Paris. Mais, que dire d’Almodovar, de Moretti et de mon cinéaste de prédilection, le plus novateur d’entre tous, Lars Von Trier ?? Et, les frères Dardenne ? Où est-elle partie leur force d’investigation profonde du malaise des individus écrasés par le poids de leur histoire familiale ou de l’injustice sociale ?

Comment justifier la présence de films tels que Polisse et Drive en compétition? L’un donnant la versionfrançaise de la série télévisée Police de New York, et l’autre, un film purement commercial sans intérêt aucun. Je passe sur le choix du jury qui est souverain…

Les deux films qui se sont détachés de l’ensemble bancal de la sélection sont, sans aucun doute, Le Havre d’Aki Kaurismäki (photo ci-contre) et We need to talk about Kevin de Lynne Ramsay. Deux films magistralement conçus et réalisés d’un bout à l’autre. L’agréable surprise est aussi venue de L’artiste, film muet et en noir et blanc de Michel Hazanavicius, qui a donné à Jean Dujardin la possibilité de montrer son vrai talent.

Evénement autour des deux films iraniens de dernière minute

La société très paradoxale de l’Iran a donné la preuve de sa dualité au travers de deux de ses réalisateurs, qui présentaient leurs œuvres à Cannes, bien que condamnés en première instance, à 6 années de prison assorties de 20 années d’interdiction de tournage, d’écriture de scénario et de sortie du territoire pour l’un d’eux! Il s’agissait bien entendu de Jafar Panahi (ci-contre) et de Mohammad Rassoulof. Or, alors qu’ils sont en attente de leur Appel, Mohammad Rassoulof obtint l’autorisation de tourner et fit parvenir son film Au revoir à Cannes, qui l’a sélectionné pour « Un Certain regard« .

Quant à Jafar Panahi, lourdement condamné, il fit appel à un collègue documentariste, Mojtaba Mirtahmasb, pour mettre en image une journée de sa vie. Un film étonnant est sorti de cette collaboration, au titre ambigu et évocateur de Ceci n’est pas un film. Il fut expédié à Cannes de manière plutôt folklorique et sélectionné pour une séance spéciale.

Enfin, on apprit à la fin du festival que le passeport de Mohammad Rassoulof lui a été restitué. Ce qui veut dire qu’il aurait pu sortir du territoire. Si cette restitution avait été faite un peu plus tôt, il aurait même pu arriver à Cannes pour la projection de son film le 12 mai.

Pourquoi, dirait-on, condamnés pour avoir commencé à faire un film sur les évènements qui ont suivis les dernières élections présidentielles en Iran, les deux cinéastes ne sont-ils pas traités de la même manière ? Tout ceci a fait l’objet de beaucoup de questionnements lors des débats et conférences de presse organisés à Cannes et a fait couler pas mal d’encre dans les média du monde entier.

Etre juré de la FIPRESCI à Cannes, quel intérêt ?

L’avantage majeur d’être juré de la Fipresci à Cannes, c’est le « sur-badge » qui permet un accès un peu plus facile aux projections. Il n’y pas d’invitations à l’hôtel, contrairement à ce qui se passe dans la quasi-totalité des autres festivals. Pour les critiques que nous sommes, la participation au jury demande une tâche supplémentaire: rédiger un rapport pour le site de FIPRESCI.

En deuxième lieu vient le contact avec les collègues venus du monde entier, très enrichissant lors des délibérations. C’est à ce moment qu’on réalise que les critiques de cinéma développent à peu près la même sensibilité quel que soit le pays d’origine. Ceci était très visible lors des délibérations cette année: l’on a passé sous silence, comme par un accord tacite, la majorité des films en ne retenant que ceux qui avaient une certaine valeur ou une valeur certaine… Le Choix de Le Havre fut presque naturel. Un film qui, tout en reprenant tous les ingrédients de l’univers minimaliste de Kaurismäki, montre l’un des problèmes majeurs du Sud de l’Europe. Il montre également, avec une étonnante justesse, une image nostalgique de la France. Ce qui est surprenant de la part d’un cinéaste étranger et de surcroît nordique. Le choix de la langue française dans le style de Kaurismäki ne pouvait qu’ajouter à ce mélange sublime et délicieux.

En guise de conclusion j’aimerais exprimer mon regret du fait que les organisateurs du festival de Cannes n’honorent pas suffisamment le jury de la FIPRESCI, au-delà ce cette aide « technique » de la fourniture d’une carte de priorité, ne serait-ce qu’en l’invitant, au moins une fois ou deux, à une réception où les stars, à la renommée desquelles nous contribuons largement, sont présentes !

Shahla Nahid

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Les producteurs en mouvement pour l’EFP !

Cannes, c’est aussi le rendez-vous des professionnels et des films du monde entier. C’est aussi le lieu où les producteurs tissent des liens pour les films de demain.

Comme d’habitude, l’organisme de promotion du cinéma européen, “European Film Promotion” y a promu son programme d’aide aux jeunes producteurs, “Producers on the move“, qui a déjà récompensé des producteurs comme Bruno Levy ou François Kraus. En 2011, Justin Taurand, des Films du Bêlier, le producteur de Jean-Paul Civeyrac, Antoine Barraud, Shinji Aoyama, et Joachim Lafosse a été à l’honneur pour la France.

Philippe J. Maarek

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