Jean Roy Réélu Président de la Fipresci
Doublé renouvelé pour le Président de l’Union des Journalistes de Cinéma, Jean Roy, qui vient d’être réélu pour un second mandat à la Présidence de la Fédération Internationale de la Presse Cinématographique (Fipresci), qui organise les jurys de la Critique Internationale dans plus de 70 Festivals dans le monde entier, à commencer par Cannes, bien sûr.
Un franc succès pour le 62° festival de Berlin
La 62ème édition de la Berlinale aura été un net succès, aussi bien du côté du public quedeceluidesprofessionnels. Seul reproche, sans doute, mais on ne peut pas le mettre du côté des organisateurs, un palmarès un tant soit peu timide et donnant légèrement l’impression d’avoir mélangé les récompenses!
Le jury présidé par Mike Leigh a en effet choisi de donner sa récompense suprême, l’Ours d’Or tant convoité, à Paolo et Vittorio Taviani pour leur Cesare deve morire, une allégorie transposant l’histoire mythique du héros de la Rome antique dans une prison d’aujourd’hui. Film maîtrisé, incontestablement, mais que l’on n’attendait pas si haut. Plus surprenant fut le chassé-croisé qui vit donner au réalisateur allemand Christian Petzold l’Ours d’Argent de la meilleure réalisation pour son Barbara, à la mise en scène de qualité, certes, mais dont l’atout le plus fort était l’interprétation de la grande actrice qu’est Nina Hoss, remarquable d’expression dans une retenue apparente, alors que l’Ours d’Argent de la meilleure actrice alla à Rachel Mwanza pour Rebelle, du canadien Kim Nguyen, que l’on attendait plutôt pour un Grand Prix ou un Prix Spécial… Enfin, Tabu, le film du portugais qui obtint le Prix Fipresci de la Critique Internationale fut « sauvé » in extremis en quelque sorte par le Prix Alfred Bauer, alors qu’on l’attendait plus haut. Mais il est vrai que quasiment tous les palmarès peuvent être discutés et rediscutés, et sont les fruits de compromis entre les jurés, qui seraient sans doute différents si un seul juré, parfois, changeait!
Le succès du 62e Festival de Berlin, en tous cas, c’est d’abord et avant tout un succès public, puisqu’il s’agit d’un des deux festivals de première importance au monde à être aussi ouvert au grand public avec celui de Toronto. Malgré un froid quasiment sibérien (il fit jusqu’à -20° Celsius la veille du premier jour du Festival), la popularité de la Berlinale ne s’est pas démentie cette année, avec la bagatelle de 250.000 billets vendus. L’ouverture d’une nouvelle salle, tout simplement baptisée « Haus der Berliner Festspiele » (La Maison des Festivals Berlinois) fut à cet égard bienvenue, venant après l’accès de la belle grande salle traditionnelle duFriedriechstadt Palast l’an dernier, permettant ainsi aux journalistes et accrédités de côtoyer plus facilement le public qu’auparavant (et en attendant la réouverture du ZooPalast, la salle mythique des premières années du Festival).
Mais le Festival de Berlin, ce n’est pas seulement la compétition officielle menée par Dieter Kosslick, son Directeur, dont le succès a d’ailleurs permis un renouvellement du contrat cette année, mais aussi deux grandes sections non compétitives importantes. La section « Panorama », dirigée par Wieland Speck, correspond en quelque sorte au « Certain Regard » de Cannes. Indignez-vous, de Tony Gatliff, y fut notamment remarqué. Quant au « Forum International du Jeune Cinéma », dirigé par Christoph Terhechte, il représente une version exigeante des sections dites « parallèles » cannoises. Le public berlinois y fut aussi fort présent, et nombre de ces films profitèrent de la synergie avec le Marché du Film berlinois, pour leur promotion et leur vente dans les circuits d’art et d’essai du monde entier.
Signe peut-être de fin de la crise économique, le Marché du Film berlinois, toujours dirigé de main de maître par Beki Probst, fut plein à craquer, avec plus de 2000 professionnels accrédités qui profitèrent de pas moins de 35 salles de projection qui leur étaient réservées. Il a ainsi largement confirmé sa place de premier grand rendez-vous de l’année des acheteurs et vendeurs de films du monde entier. Le grand stand Unifrance y a pris une nouvelle organisation, avec un espace paysagé bien plus attractif que les loggias un peu refermées sur elles-mêmes des années précédentes. Pour la première fois de longue date, une place importante fut prise au Marché par les « indépendants » américains, qui avaient un peu déserté Berlin ces dernières années – à l’inverse des studios – et des stars – hollywoodiens, bien moins présents à Berlin cette année que d’habitude, mis à part le très fort film de Stephen Daldry, Extrêmement Fort et Extrêmement proche, d’ailleurs présenté hors compétition seulement.
Rappelons enfin que Berlin, c’est aussi une multiplicité de sections « spécialisées » parallèles qui semblent sortir d’année en année du chapeau de l’imaginatif Dieter Kosslick! Ainsi, outre la récente section « Géneration », qui remplace en partie l’ancienne section des film pour enfants du Festival, la section « Cinéma culinaire », où un repas suit les projections (!), et l’importante opération « Talent Campus », la Berlinale a annoncé cette année la création d’une « résidence », qu’on peut comparer sans doute à la déjà bien implantée opération cannoise similaire. Du coup, la section « rétrospective », qui fêta le centenaire des célèbres studios de Babelsberg parut bien « classique », en quelque sorte, mais apporta un coup d’œil rétrospectif pas inutile.
Comme à l’accoutumée, de nombreux autres événements se déroulèrent en marge du Festival, comme l’opération « Shooting Stars » de « European Film Promotion », l’organisme de promotion du cinéma européen à l’étranger, ou la remise des « Teddy awards » pour faire honneur à la tradition gay et lesbienne d’une ville dont la « Gay Pride » constitue l’un des temps forts de l’année!
Philippe J. Maarek
Disparition de Louisette Fargette
Louisette Fargette est décédée le dimanche 29 janvier. Tous les journalistes et critiques qui s’étaient rendus au Festival de Cannes entre 1969 et 1992 avaient pu apprécier l’alliance de doigté et de gentillesse, de fermeté, mais aussi de bienveillance, avec laquelle elle dirigea le service de presse du Festival de Cannes et sut accueillir les journalistes en provenance du monde entier. Elle avait accompagné le Festival depuis ses origines, ou presque, puisqu’elle y était entrée comme secrétaire en 1949.
Lettre ouverte à la Commission Européenne sur la place de la Culture en Europe
L’Union des Journalistes de Cinéma a été l’une des premières à signer la pétition qui interpelle la Commission Européenne sur la place de la culture en Europe, à l’initiative de la Coalition pour la Diversité Culturelle dont elle fait partie.
L’UJC appelle à signer la pétition en ligne sur http://www.ipetitions.com/petition/lettre-ouverte-a-j-m-barroso/
Cartes « vertes »: changement d’adresse
La Commission d’attribution des Cartes de Critique, et notamment des cartes destinées aux journalistes et critiques de cinéma, dites « Cartes Vertes », vient de déménager, et son secrétariat est dorénavant assuré par le service « Recouvrement compte de tiers » du Groupe Audiens.
Pour obtenir le dossier de première demande, ou de renouvellement annuel, il convient de s’adresser dorénavant à:
AUDIENS
Amina MERABET (Recouvrement comptes de tiers)
74 rue Jean Bleuzen – 92177 Vanves Cedex
Tel: 0 173 173 352 – Fax: 0 173 173 044
L’Harmattan édite pour le cinéma
A l’occasion du de la rétrospective Jacques Becker dans le cadre du Festival Lumière 2011 qui s’est récemment déroulé à Lyon, Emmanuel Girard a fait paraître une monographie sur Le Trou, éditée par L’Harmattan. Cet éditeur qui continue à éditer régulièrement des ouvrages sur le cinéma se rappelle ainsi utilement à notre souvenir, alors que les possibilités d’édition se font rares pour les critiques et journalistes qui veulent écrire en profondeur sur le cinéma. La monographie va d’ailleurs être également diffusée avec le supplément de fin de semaine du Monde.
San Sebastian se réveille!
Pour sa 59ème édition, le festival de San Sebastian s’est soudain réveillé : meilleure programmation, des séances quasi complètes et un palmarès qui décoiffe ! Si ces derniers temps la sélection ronronnait en terre basque, cette année la qualité était au programme et le public a répondu présent avec un bel enthousiasme. Pratiquement toutes les séances, de presse, de gala, au Vélodrome avec le public ou au Kursaal avec les invités, étaient complètes. Dans la sélection officielle, un beau mélange de réalisateurs confirmés et de jeunes talents, de films espagnols et asiatiques, de genres, du polar à la comédie.
Parmi les bonnes surprises, le nouveau film de Sarah Poley, Take this Waltz, un marivaudage très contemporain où le corps est complètement refoulé (ou en dépôt à la cuisine), laissant les sentiments et les trahisons se faire et se défaire en pensée… A l’opposé, la Madame Bovary d’Arturo Ripstein est plus charnelle, toujours dépressive et tout aussi mauvaise mère (elle nourrit sa fille chez Macdo) : Le Cœur a ses raisons, un huis-clos oppressant, serré, avec une remarquable mise en scène. Déception en revanche avec Amen de Kim Ki-duk qui filme ses souvenirs de vacances en Europe et nous les livres un peu bâclés.
Autre surprise, le rire est venu avec deux films français. Le Skylab où les vacances très franchouillardes de Julie Delpy ont emporté toutes les salles mais comme le disait un critique argentin hilare en sortant de la projection de presse, « les années 70, c’était les années 70 partout » ! Intouchables d’Eric Toledano et Olivier Nakache était présenté en clôture et a su autant émouvoir que faire rire, avec la rencontre d’un handicapé très riche et d’un grand mec cool un peu racaille, un moment de bonheur dans la grande salle du Kursaal.
Enfin dernière surprise, et de taille, un palmarès ébouriffant. La « Concha d’or » a été attribuée à Los Pasos dobles d’Isaki Lacuesta (Espagne/Suisse), un film qui n’avait même pas retenu l’attention des amateurs de pronostics. Le jeune réalisateur espagnol laisse ses personnages partir à la recherche des traces d’un peintre au pays Dogon. Rarement la notion très particulière du sacré, du mystère et du rôle très particulier de la nature et des ancêtres dans les sociétés africaines, n’a été aussi bien mise en images. On comprend pourtant que ce soit déroutant pour le grand public. Pratiquement tous les autres prix décernés par le jury présidé par l’actrice Frances Mc Dormes, ont été aussi déroutant pour le public.
Pour le prix du public, jusqu’au bout, la bataille a été serrée entre Et maintenant on va où ? de Nadine Labaki et Une Séparation d’Asgar Faradhi mais le dernier jour, c’est The Artist de Michel Hazanivicius qui a fait le raz de marée dans le cœur des spectateurs, avec un taux de satisfaction quasi unanime. Du côté des prix parallèle, pas de grande surprise en revanche. La Fipresci a récompensé le très « fiprescien » Sangue de meu sangue, du réalisateur portugais Jaõa Canijo ; les associations LTGB, Albert Knobs de Rodrigo Garcias, où Glenn Close interprète une femme parfaitement dissimulée sous un habit de maître d’hôtel dans un établissement très chic de l’Irlande du 19ème siècle. Enfin, le jury Signis a choisi le nouveau film de Hirokazu Kore-Eda justement intitulé Miracle.
Magali Van Reeth
Pour la liberté d’expression des cinéastes iraniens
Communiqué de Presse du 28 septembre 2011
L’Union des Journalistes de Cinéma constate avec tristesse que les arrestations arbitraires, avec des chefs d’accusation politiques ou « d’espionnage » de cinéastes iraniens continuent à se produire et se sont récemment multipliées avec six nouvelles incarcérations. Les réalisateurs Mojtaba Mirtahmasb, Katayoun Shahabi, Hadi Afarideh, Nasser Saffarian, Shahnama Bazdar and Mohsen Shahrnazdar ont été accusés de collaboration avec la BBC (interdite en Iran) et de ne pas donner une image assez positive de l’Iran dans leurs films.
Une fois de plus, la censure et l’atteinte à la liberté d’expression du cinéma iranien ne suffisant apparemment pas, c’est à la liberté des cinéastes qu’il est encore porté atteinte, pour des raisons uniquement politiques. Comme pour toute situation de ce genre, quel que soit le pays où elle a lieu, l’Union des Journalistes de Cinéma exprime sa solidarité et son soutien aux cinéastes iraniens détenus.
Le Festival de Toronto toutes voiles dehors !
On savait déjà depuis quelques années que le Festival de Toronto était devenu l’une des trois ou quatre manifestations cinématographiques les plus importantes au monde, aussi bien du point de vue des films présentés que de celui de la profession, en particulier des exportateurs et acheteurs de films. Cette année, le Festival a bénéficié de la mise en service complète du Bell Lightbox, un immeuble entier flambant neuf comportant cinq salles de cinéma et des espaces d’exposition et de réunion, qui lui appartient en propre, après une souscription privée considérable. La manifestation s’est en outre maintenant regroupée dans la vicinité de son nouveau quartier général, sur quelques pâtés de maison de la ville, devenant ainsi infiniment plus facile pour les festivaliers. L’ouverture aux projections spéciales de la grande salle voisine de 1.500 places du théâtre « Princess of Wales » voisin a également donnée de nouvelles possibilités cette année.
Mais l’édification d’une domicile permanent propre au Festival, avec de nombreuses autres manifestations dorénavant organisées tout au long de l’année, n’est pas la seule ambition de Piers Handling, qui dirige de longue date l’ensemble de ces opérations. Assisté par Cameron Bailey à la codirection du Festival du Film à proprement parler, Piers Handling est une fois de plus parvenu à présenter au début de l’automne la fine fleur du cinéma mondial, qu’il s’agisse des films d’auteur ou des « locomotives » hollywoodiennes – ce qui en fait un événement de plus en plus « glamour » qui a maintenant aussi l’honneur des pages des magazines « people »: Georges Clooney, « Bragelina », Madonna ou Juliette Binoche, les flashes des photographes ont crépité!
L’aspect non compétitif du festival lui a en outre permis, comme chaque fois, de présenter aussi bien des films inédits, que des films « phare » présentés durant les mois précédents dans le monde entier, à commencer par les films les plus forts du Festival de Venise (avec un léger décalage symbolique seulement). Qu’il s’agisse du Lion d’or, le Faust, film de la maturité d’Aleksander Sokurov, de Shame, dont la mise en scène remarquable de Steve Mc Queen a valu à son acteur principal, Michael Fassbender, la Coupe Volpi du meilleur acteur, ou du populaire film d’ouverture, Les Ides de mars, de George Clooney, Venise était à Toronto, en somme. Mais l’on y vit aussi plusieurs des grandes nouveautés anglo-saxonnes de l’automne, y compris parfois des œuvres de facture plus « grand public », comme l’intelligent et humoristique Hysteria, de la réalisatrice Tanya Wexler, avec notamment Maggie Gillenhaal, le désopilant The Oranges, de Julian Farino, avec une distribution menée par Oliver Platt, Leighton Meester, Allison Janney et Hugh Laurie, ou le Trespass de Joel Schumacher avec Nicole Kidman, lui, huis clos bien banal, en vérité, comparé à ceux de Michael Hanneke… On vit aussi à Toronto Damsels in distress, le grand retour à l’écran après une longue absence, de Whit Stilman, l’auteur de Barcelona, un film dont l’humour complice se lit à chaque instant à plusieurs degrés tant il est en réalité fait de subtiles complexités superposées.
Au total, le Festival, ce fut 336 films, en provenance de 65 pays (dont 268 longs métrages) projetés dans une vingtaine de sections, de la populaire « Midnight Movies » dédiée aux films qu’on aurait autrefois qualifiés « de Série B », à la plus allusive section de documentaires « Real to reel ». Parmi eux, les films français furent nombreux, plus d’une trentaine, menés notamment par The Lady, le film de Luc Besson inspiré par la vie de la dissidente birmane Aung San Suu Kyi, et par Mon pire cauchemar, en première mondiale, le nouvel opus d’Anne Fontaine dont Isabelle Huppert tient la vedette en compagnie de Benoit Poelvoorde.
Les habitants de Toronto se pressèrent nombreux dans les salles durant les onze jours du festival, comme à l’accoutumée, et récompensèrent du « Grand Prix Cadillac du Public« , Where do we go now?, le second film de la réalisatrice de Caramel, Nadine Labaki. Les critiques de la Fipresci décernèrent quant à eux leur « Prix de la Critique Internationale » au vétéran italien Gianni Amelio pour Le Premier Homme et à Axel Petersen pour Avalon.
Quant aux professionnels, ils se bousculèrent lors des projections qui leur étaient réservés, même si la crise sembla initialement ralentir les flux d’achat. Mais vendeurs et acheteurs étaient bien tous là, ou presque, comme à Berlin ou à Cannes, comme on a notamment pu le vérifier lors des très courues réception d’Unifrance ou de « European Film Promotion », l’organisme de promotion du cinéma européen – qui avait à nouveau organisé son initiative d’aide aux coproductions entre l’Europe et le Canada, « Producers Lab Toronto« . Le cinéma mondial était bien présent dans la « Rue Royale » (King Street) de Toronto en septembre!
Philippe J. Maarek
Un palmarès épatant pour une Mostra qui ne le fut pas moins
A Venise, les propositions n’ont pas manqué, de la recherche formelle la plus exigeante à l’engagement social le plus prégnant.
Décidément, l’année aura été favorable au cinéma. Après une moisson cannoise si riche qu’on aurait pu redouter une mise en jachère obligée, la récolte vénitienne aura été de même portée. Avec en cerise sur le gâteau un palmarès presque de bout en bout conforme à nos souhaits. Comme le souligne l’ensemble de la presse italienne, pour une fois les meilleurs ont gagné.
Saluons d’abord le Lion d’or attribué à Alexander Sokourov. Ce créateur majeur de notre temps n’avait jamais encore obtenu de récompense à sa mesure, jugé trop élitiste sans doute. Voilà qui est fait avec ce Faust, à la fois transposition fondamentalement fidèle du texte de Goethe, donné en allemand, et prolongement de la réflexion du cinéaste sur l’essence du pouvoir. Film très impressionnant aussi, Shame de Steve McQueen, qui repart avec le prix de la critique internationale et l’interprétation masculine pour Michael Fassbender, le magnifique comédien qui jouait Bobby Sands, membre de l’IRA, conduisant sa grève de la faim jusqu’à la mort dans Hunger, le premier film de McQueen. Même maîtrise totale ici du jeu comme de la mise en scène, mais opposition de contexte puisque nous sommes chez les yuppies new-yorkais du moment. Dans le film précédent on mourrait pour ses convictions, ici de ne pas en avoir, la consommation effrénée du sexe tentant de combler un vide existentiel antonionesque. L’interprétation féminine n’a pas non plus suscité la moindre contestation tant est évident le talent de Deanie Yip, une cinquantaine de titres à son actif mais inconnue chez nous, dans le film de Ann Hui, Une vie simple. On est aussi ravi de trouver au palmarès en prix spécial du jury Terraferma d’Emanuele Crialese, le pendant italien de Philippe Lioret. Nous sommes là dans la tradition du néoréalisme, dans une de ces îles (Lampedusa est la plus connue) qui voit débarquer au péril de leur vie des immigrés venus d’Afrique, ce qui n’a pas l’heur de plaire à nombre d’autochtones non tant racistes en soi que vivant du tourisme, eux-mêmes contraints à cette activité car la pêche ne donne plus. Le film sait exposer les problèmes dans leur complexité, allant jusqu’à souligner la différence entre les générations venues de la Résistance et celles simplement conduites par le profit.
Un palmarès sans faute donc, nos seuls bémols étant pour le prix du scénario à Alpis nouveau film de l’auteur de Canine, Yorgos Lanthimos, qui nous avait déjà fort énervé, et, secondairement, la légère surévaluation qui a conduit à donner le Lion d’argent de la mise en scène au deuxième film de Cai Shangjun, Gens de la montagne gens de la mer (c’est une expression chinoise) qui, sous prétexte de traque d’un assassin, nous permet de découvrir les dures conditions de travail à la mine, comme des paysages dignes de westerns.
Jean Roy