Le 32e Festival de La Havane

Le 32ème Festival International du Nouveau Cinéma Américain de La Havane a présenté 199 longs métrages et 194 courts, de tous les pays d’Amérique Latine, de l’Argentine au Venezuela, dans 15 salles.

Le Jury de la Fipresci a donné son prix à Post Mortem de Pablo Larrain, une coproduction entre le Chili, le Mexique et l’Allemagne. Il a motivé son prix en qualifiant Post Mortem de « film envoûtant tout en étant également une métaphore pour une société décadente et répressive, aspirant à la dictature » (le Chili avant le coup).

Le réalisateur y a créé un monde fantomatique. L’acteur principal, Alfredo Casto, joue le rôle d’un assistant à la morgue qui semble avoir été aspergé de cendre blanche, un peu comme une vision post mortem de Buster Keaton. Il devient humain très brièvement, en tombant amoureux de sa voisine. Puis les tanks entrent en scène, et l’on découvre le corps meurtri d’Allende dans les décombres.

Le jury « principal » du Festival a décerné neuf prix, dont deux pour Post-Mortem qui a été le dauphin du Grand Prix, La Vida Util, de l’uruguayen Federico Veiroj.

Le film cubain le plus récompensé, toutes sections confondues, a été Jose Marti: El Ojo del Canario, de Fernando Perez Valdes, sur l’émergence du héros de la Révolution cubaine.

Le festival comprenait une section dédiée aux films venant de « Latinos » vivant aux Etats-Unis, souvent à propose de leurs difficulté d’y vivre, aussi bien que des films de non Latinos, comme le documentaire » de Saul Landau qui a eu un Emmy, Will the Real Terrorist Please Stand Up. Il y avait également des rétrospectives montrant des films noirs et d’horreur.

Oppression et révolution, avec le thème sous-jacent du désordre dans la société, étaient présents dans de nombreux films, comme La Mirada Invisible, de l’argentin Diego Lerman. L’ombre de Perón rode au-dessus d’une école dont le directeur demande à une jeune enseignante d’espionner les élèves.

Plusieurs films abordaient la question de la maltraitance des enfants dont Boleto Al Pa-iaiso, du cubain Geraldo Chijona, un film très aimé du public, à propos d’une jeune fille qui s’échappe de sa maison après que son père l’a violée. Elle se joint à un gang d’enfants sans domicile, vivant dans la drogue, le sex, le rock’n roll et pour finir avec le SIDA. Une sorte différente d’exil est décrite dans Larga Distancia, du cubain Estéban Insauti, qui traite des artistes de son pays pris entre deux mondes, une société en souffrance chez eux et un monde décadent ailleurs. De la Infancia, du mexicain Carlos Carrera Gonzalez, montre une famille terrorisée par un père violent sans foi ni loi. Quant à l’argentin Anahi Berneri, il dépeint dans Por Tu Culpa une mère frustrée, enfermée dans le monde moderne, qui est accusée d’avoir violenté ses enfants en bas âge.

Plusieurs films de femmes étaient en compétition, à commencer par Jean Gentil, de Laura melia Guzman, un film tourné en Créole et en Espagnol à propos d’un Haïtien en exil. Mais le film traitant des femmes le plus fort fut sans doute Los Labios, de Santiago Loza et Ivan Fund: trois travailleuses sociales traversent une Argentine où la détresse règne à l’extrême et finissent par y perdre leur identité.

Le public de La Havane fut extrêmement attentif, et nous avons senti que la forte fréquentation, les réactions vives aux scènes dramatiques montrées à l’écran apparaissaient un peu comme un exutoire à la situation locale, peut-être une forme de protestation, en tous cas un soutien au cinéma. En effet, le Festival est un moment important de l’année à La Havane, une ville où les enseignants suspendent leurs cours afin que les étudiants puissent aller au cinéma, et le public peut y voir des films qui leur parlent d’eux-même.

Joan Dupont

Photo: le Jury de la Fipresci à La Havane, (de g. à dr.) Ernesto Aguirre, Joan Dupont, la Présidente du Jury, Maja Bogojevic, Pedro Noa, Mario Abbade

Pour Jafar Panahi

Communiqué de Presse de l’Union des Journalistes de Cinéma du 20 décembre 2010

L’Union des Journalistes de Cinéma s’élève vigoureusement contre la condamnation du cinéaste iranien Jafar Panahi à six ans de prison, ainsi qu’à « une interdiction de réaliser des films, d’écrire des scénarios, de voyager à l’étranger ou de donner des interviews à des médias locaux ou étrangers durant les vingt prochaines années », selon les propos de son avocate.

La censure et l’atteinte à la liberté d’expression du grand réalisateur iranien ne suffisant apparemment pas, c’est à sa liberté tout court qu’il est maintenant porté atteinte, pour des raisons uniquement politiques.

Comme pour toute situation de ce genre, quel que soit le pays où elle a lieu, l’Union des Journalistes de Cinéma exprime sa solidarité et son soutien à Jafar Panahi.

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NB: L’UJC appelle à signer la pétition de soutien à Jafar Panahi, que l’on trouvera à l’adresse:

http://www.ipetitions.com/petition/solidarite-jafar-panahi/

Pierre Etaix relâché!

En 2007 et en 2008, l’Union des Journalistes de Cinéma avait fait partie des nombreuses organisations professionnelles qui ont soutenu le long combat de Pierre Etaix, dont les droits d’exploitation de l’oeuvre étaient bloquées pour d’obscures raisons. Après plusieurs années de lutte Pierre Etaix a pu obtenir que son oeuvre puisse à nouveau être montrée au public.

La plupart de ses films ont été restaurés, avec le soutien de la Fondation Technicolor et de la Fondation Groupama Gan. On peut à nouveau les voir en salle, et un beau coffret comprenant ses oeuvres les plus importantes (Le Soupirant, Yoyo, Le Grand Amour…) vient d’être publié par Arte/Studio 37.

Le 58ème Festival de San Sebastian Donostia

Lors de la cérémonie d’ouverture du Festival, le grand prix 2010 de la Fipresci, décerné au film The GhostWriter de Roman Polanski, a été reçu par l’actrice Olivia Williams, dans la très belle salle du Kursaal,

où avaient lieu la plupart des projections. L’autre moment fort de cette cérémonie a été l’hommage, rendu en français, de Goran Paskaljevic (président du jury international) à Claude Chabrol, enterré le matin même. Le film d’ouverture, Chicogrande de Felipe Cazals (Mexique) a été sans hésitation le plus décevant de la sélection, une évocation de Pancho Villa frisant le ridicule.

Dans la compétition officielle, beaucoup de morts violentes, notamment avec I saw the Devil de Kim Jee Woon (Corée du sud), 2h20 de meurtres insoutenables, des hectolitres de liquide rouge et d’interminables séances de tortures physiques : pourquoi un réalisateur si talentueux a-t-il besoin de racler ainsi les plus bas instincts de l’espèce humaine ? Pa Negre de Agusti Villaronga (Espagne) est une évocation de la fin de la guerre d’Espagne qui débute par un meurtre lui aussi très impressionnant, joli film néanmoins qui vaut à Nora Navas le prix de la meilleure actrice. Un suicide chez un vieux couple qui ne veut pas mourir grabataire, Satte Farben vor Schwarz, sujet très actuel traité par une jeune réalisatrice allemande, Sophie Heldman. Enfin violences sociales en Grande-Bretagne avec Neds de Peter Mullan, Concha d’Or 2010, ou comment la maladresse et l’ignorance des adultes peuvent engendrer le pire chez les enfants.

Pour souffler un peu, Genpin, le nouveau documentaire de la très talentueuse Naomi Kawase, prix de la Fipresci pour cette évocation d’une naissance sans violence. Avec les 4h30 de Misterios de Lisboa, Raoul Ruiz a embarqué les spectateurs dans une expérience surprenante de cinéma, du baroque dans lequel on met de la lenteur, des histoires à tiroir et en miroir. Amusant de sentir vibrer une salle pleine, un peu trop respectueuse dans la première partie et qui finit par rire aux éclats ou se laisser aller à pousser de grands soupirs d’exaspération à mesure que Ruiz déroule son ruban aux merveilles. Du côté de la contemplation, on vit Aita de l’espagnol José Maria de Orbe, poème graphique à une maison abandonnée, prix de la photo.

Dans les autres sections, le prix Kutxa du jeune réalisateur est allé à Carlos Cesar Arbelaez pour Los Colores de la montana, mais d’autres films méritent d’être signalés, comme Beautiful Boy de Shawn Ku (Etats-Unis) ou Chrest de Marcin Wrona (Pologne) qui, chacun avec un style très personnel, parlent d’une société en plein mutation où il est difficile d’avoir des repères ou des certitudes.

Mais un festival ne serait rien sans une vedette américaine et Julia Roberts, invitée d’honneur, présentait hors compétition, son dernier film Mange, prie, aime de Ryan Murphy. Conte de fées moderne où les jolies femmes peuvent manger des pâtes à volonté sans grossir, apprendre à méditer en Inde au milieu de compatriotes américains et trouver le mari idéal (tendre, disponible et riche) en Thaïlande. Elle est pas belle la vie, au cinéma ?

Le charme de San Sebastian, c’est aussi la mer, cet océan qui entre directement dans la ville. Le long des plages, véritables boulevards urbains, on peut méditer sur cet espace qui est à la fois la limite de la ville et le début de cet espace infini, toujours en mouvement, à la lumière changeante, aux reflets magiques. Spectacle parfait et toujours surprenant, comme du vrai cinéma dont on ne se lasse pas !

Magali Van Reeth

Le Festival de Toronto à son apogée!

D’année en année, le Festival de Toronto sait prendre avec une aisance remarquable une ampleur qui semble bien en faire maintenant l’un des deux plus importants rendez-vous du cinéma mondial avec Cannes. Avec l’ouverture cette année de son quartier général, Bell Lightbox, le Festival a pris en outre en 2010 une nouvelle figure, regroupant avec bonheur l’essentiel de ses activités dans le même quartier de la ville (voir par ailleurs)

Grâce à son éclectisme, sur lequel veille de longue date Piers Handling, maintenant aidé à la codirection du Festival par Cameron Bailey, le Festival de Toronto est en effet parvenu à présenter au début de chaque automne la quintessence du cinéma mondial d’auteur, tout en parvenant à conserver les faveurs du cinéma hollywoodien… et de ses stars, ce qui en fait aussi l’attrait.

Cette année, parmi les 339 films, en provenance de 59 pays (dont 258 longs métrages) projetés dans une vingtaine de sections, on pouvait y découvrir des films hollywoodiens en avant-première comme The Town, de Ben Affleck, ou The Conspirator, de Robert Redford, dans la section « Gala », qui attire tous les soirs stars, paillettes et photographes – et où la Potiche de François Ozon fut fort bien accueillie. Mais le Festival comprend aussi des parties moins directement tournées vers le grand public, comme la section « Discovery » où l’on projetait par exemple Notre Etrangère, le film Franco-Burkinabé de Sarah Bouyain avec Dorylia Calmel et Nathalie Richard ou Attenberg, le film de la grecque Athina Rachel Tsangari qui avait été l’une des révélations du Festival de Venise, quelques jours auparavant. Même les amateurs de cinéma fantastique ou marginal trouvent leur bonheur à Toronto avec la section « Midnight Madness » (Folie de Minuit), qui accueillait notamment en 2010 le grand retour de John Carpenter, le réalisateur du Halloween originel, avec The Ward.


L’explication de cette réussite à tous les niveaux tient sans doute au caractère non compétitif du Festival et à son éclectisme corollaire, puisque ses programmateurs, du coup, ne s’interdisent aucun film. Cette réussite tient aussi incontestablement à la présence d’un public passionné. Le Festival est en effet ouvert au grand public, contrairement à la plupart de ses homologues (et en particulier avec Cannes), et les acheteurs et vendeurs professionnels de films du monde entier ont appris à apprécier le grand naturel qui s’ensuit de l’accueil fait à leurs films.

La seule récompenses « officielle » importante données durant le Festival est d’ailleurs le Grand Prix Cadillac du Public, décerné cette année à The King’s speech, du britannique Tom Hooper. Colin Firth y interprète magistralement le Roi George VI d’Angleterre au moment de son accession inattendue au trône, à la suite de l’abdication d’Edouard VIII, son frère aîné. On notera que la Fipresci décerne également son Prix de la Critique Internationale lors du Festival, qui est revenu à l’Américain Swan Ku pour Beautiful boy.

Les producteurs et vendeurs français ont maintenant bien compris l’importance du Festival de Toronto: l’essentiel des nouveautés du moment en France fut présenté dans les différentes sections du festival. L’élégante réception organisée par Unifrance permit à nos professionnels de faire honneur à près de 300 de leurs homologues étrangers, leurs clients, en somme! De même, European Film Production, l’organisme de promotion du cinéma européen, organisa pour les professionnels européens deux événements fort courus, dont une initiative directement destinée à aider les coproductions entre l’Europe et le Canada, « Producers Lab Toronto« : trois jours d’échanges intensifs juste avant le Festival entre douze producteurs européens triés sur le volet et douze canadiens. Le cinéma, c’est aussi ça!

Philippe J. Maarek

BELL LIGHTBOX: CINQ ETAGES DE REVE POUR LE CINEMA A TORONTO

Après dix années, le rêve de Piers Handling, le PDG du Festival de Toronto et de Michelle Maheux, la Directrice Exécutive, s’est enfin réalisé: un superbe bâtiment de cinq étages flambant neuf , le « Bell Lightbox » (La Boite à Lumière de Bell) à peine terminé est devenu pour la première fois le quartier général du Festival. Il s’agit tout simplement du plus important bâtiment consacré au cinéma au monde, semble-t-il.

Grâce au départ à la donation d’un terrain en plein centre ville par la famille canadienne Reitman (les cinéastes Ivan – SOS Fantômes – et Jason – In the Air) – l’équipe du Festival a pu lever en une dizaine d’années et malgré la crise économique plus de 190 millions de dollars canadiens pour édifier un édifice permanent qui lui permet maintenant de poursuivre avec cohérence tout au long de l’année l’ensemble de ses activités: c’est-à-dire, au-delà du Festival annuel, la programmation d’une Cinémathèque, d’un festival de films pour enfants (Sprockets), etc.

Sur les cinq étages de Bell Lightbox, on trouve cinq salles de cinéma ouvertes au public tout au long de l’année, dont une grande de 550 sièges, deux galeries pour des expositions sur le cinéma, trois studios de montage et d’apprentissage, et, pour l’accueil du public, trois restaurants ou cafés, sans compter évidemment les bureaux du Festival et de ses autres manifestations. La première d’entre elles, destinée, cette fois, aux Torontois cinéphiles, Essential Cinema, leur présente les cent films jugés les plus importants de l’histoire du cinéma mondial par l’équipe des programmateurs du Festival, et a ouvert ses portes à peine le Festival terminé!

P.J.M.

The Ghost Writer de Roman Polanski, Grand Prix 2010 de la FIPRESCI

La FIPRESCI, la Fédération de la Presse Cinématographique Internationale, qui décerne ses Prix de la CritiqueInternationale dans la quasi-totalité des grands Festivals de Cinéma du Monde vient d’attribuer son Grand Prix 2010 du Meilleur Film de l’année à The Ghost Writer, de Roman Polanski. 296 critiques dumonde entier ont participé au vote.

Le prix a été remis à l’actrice Olivia Williams, qui tient l’un des principaux rôles du film, et qui représentait le réalisateur, lors de la cérémonie d’ouverture du Festival de San Sebastian le 17 Septembre 2010.

Les précédents récipiendaires de ce prix ont été : Pedro Almodóvar (All About My Mother, 1999, and Volver, 2006), Paul Thomas Anderson (Magnolia, 2000 and There Will Be Blood, 2008), Jafar Panahi (Le Cercle, 2001), Aki Kaurismäki (L’Homme sans passé, 2002), Nuri Bilge Ceylan (Uzak, 2003), Jean-Luc Godard (Notre musique, 2004), Kim Ki-Duk (Iron 3, 2005), Cristian Mungiu (4 Months, 3 Weeks and 2 Days, 2007) and Michael Haneke (Le Ruban blanc).

Pour toute information: FIPRESCI , Schleissheimer Str. 83, D 80797 Munich, Allemagne – Téléphone; +49 (89) 18 23 03, Fax: +49 (89) 18 47 66 – E-mail:  info@fipresci.orgwww.fipresci.org

Annecy 2010: cinquante ans d’animation !

Du 7 au 12 juin 2010, le Festival international du film d’animation d’Annecy a fêté son 50ème anniversaire. 50 années de présence auprès des dessins animés qui, depuis longtemps, ne sont plus réservés aux enfants. Annecy est devenu un incontournable rendez-vous international et un marché réputé où les professionnels européens, asiatiques et nord-américains apportent le meilleur de leurs créations.

Pendant une semaine, la tranquille préfecture de Haute-Savoie est secouée par les festivaliers qui envahissent la grande pelouse du Pâquier pour pique-niquer à l’heure du déjeuner et par les projections en plein air à la nuit tombée. Dans les rues, on entend d’autres langues et dans les salles de projection, l’ambiance est unique grâce à des milliers d’étudiants. Ecoles des beaux-arts, graphistes, infographistes, spécialistes de l’animation en 3D ou du dessin à la plume, ils ont tous à coeur de perpétuer les traditions du festival : les avions en papier qu’on lance en attendant le début de la projection et le bruitage du générique du festival où l’apparition d’une silhouette de lapin déclenche l’enthousiasme du public… Ca change agréablement de l’atmosphère assoupie des grands festivals institutionnalisés et, promis, pour la prochaine édition, on va s’entrainer au pliage des avions en papier !

A Annecy, le court-métrage est roi et la compétition révèle toujours quelques pépites comme Logorama de François Alaux, Ludovic Houplain et Hervé de Crécy, oscar du court-métrage en février 2010, soulignant l’omniprésence des marques commerciales dans notre quotidien ; ou Zhila-Bila Mukha d’Alena Oyatyeva pour son graphisme « mouillé » où évoluent des mouches anodines. Si la durée des courts (entre 3 et 30 minutes) ne permet pas forcément de longs développement et privilégient l’humour et le rythme, certains artistes abordent cependant des thèmes plus difficiles comme Sinna Mann d’Anita Killi sur les violences familiales ou Sarah Van Den Boom avec La femme squelette, belle évocation du désarroi d’une jeune mère de famille. Le Cristal du court-métrage a été très justement décerné à The Lost Thing d’Andrew Ruhemann et Shaun Tan, un 15 minutes à la fois très poétique et très grave où se pose la question d’une société future aseptisée où l’inutile, le beau, l’étrange ne semblent plus avoir leur place, si ce n’est dans le coeur d’un enfant.


Côté longs métrages, le festival a été inauguré par L’Illusionnniste de Sylvain Chomet, et suivi de plusieurs avant-premières hors compétition, comme le très impertinent Moi, moche et méchant de Pierre Coffin et Chris Renaud ou le très décevant Shrek 4 (une banale compilation des meilleurs passages de trois autres). En venant le présenter personnellement au public d’Annecy, l’un des responsables de Dreamworks, a bien rappelé l’héritage d’Emile Cohl mais en évoquant les grands noms de l’animation de ces 50 dernières années, il n’a cité que des Américains. Quel dommage qu’il ne connaisse pas encore Myazaki, Rintaro, Michel Ocelot, Ari Folman ou de l’école tchèque d’animation…

La sélection des longs métrages d’animation était moins enthousiasmante et moins riche que celle des courts. Parmi les meilleurs, le très beau Kérity ou la maison des contes de Dominique Monfrédy est reparti avec une mention spéciale mais Allez, raconte de Jean-Christophe Roger et Summer Wars de Mamoru Hosoda méritaient largement un prix. C’est Wes Anderson qui l’a reçu pour Fantastic Mister Fox, Cristal 2010 du meilleur film d’animation et le prix du public. Certes, un beau graphisme et un vrai travail d’animation mais un scénario banal qui mise tout sur l’anthropomorphisme sans grande originalité.

Grâce à une rétrospective reprenant chaque soir les courts-métrages les plus représentatifs de leur décennie, on a pu se rendre compte de l’évolution non seulement de ce type de cinéma mais aussi des tendances d’une société à travers le regard de ses artistes. Ainsi, des années 1960 aux années 1990, on est surpris de constater à quel point les courts reflètent l’angoisse d’un monde en pleine mutation. Mais la maitrise du trait et la personnalité du beau dessin s’adaptent à tous les moyens techniques et le véritable talent les transcende toujours.

Magali Van Reeth

Contre toutes les formes de Censure du Cinéma

Communiqué de l’Union des Journalistes de Cinéma du 15 juin 2010

L’Union des Journalistes de Cinéma qui s’est toujours élevée contre toutes les formes de Censure du Cinéma déplore qu’un réseau de salles spécialisé justement dans la diffusion du cinéma d’auteur et indépendant, Utopia, persiste à refuser de programmer « A cinq heures de Paris », du cinéaste Léonid Prudovsky, sous le seul prétexte qu’il s’agit d’un film dû à un réalisateur israélien. Pas plus que les écrivains, les peintres et autres acteurs de la culture, les cinéastes n’ont à être punis pour les actions politiques de leurs pays, en une assimilation hâtive qui constitue un dangereux précédent.

Cannes 2010 : Le cinéma de Papa

Un membre du Jury FIPRESCI cette année à Cannes, surtout en catégorie « compétition officielle », comme c’était le cas de votre représentant, s’est retrouvé face à une sélection plutôt morne, sans beaucoup de repères de grande excitation, mais c’est, probablement, la ressemblance , par catégories et séries, parfois noires, parfois plus encourageantes, qui a pu faciliter, quand même, le suivi et le travail de dépouillement des films en vue du choix final. (Nos délibérations ont été aimablement accueillies cette année dans les locaux du Club Unifrance).

« Nous avons eu quelques films remarquables axés sur la famille », a dit Tim Burton, le Président du « vrai » Jury, en présentant les Prix du Meilleur Acteur. En effet, aux côtés de la « tendance » critique de la politique internationale, notamment des films sur les guerres d’Iraq et d’Algérie et le terrorisme international- les histoires de famille ont fourni un refuge réconfortant dans le monde des valeurs traditionnelles. Cette tendance est inséparable de l’autre grand phénomène des films de cette année, comme du 21ème siècle en général- le retour de la religion et du religieux, évident sur le plan philosophique, critique ou pratique dans presque tous les films importants en ou hors compétition dans toutes les sections.

Au centre de ces histoires de famille : le personnage,-et la recherche- du Père. Les Prix de la meilleure interprétation masculine sont allés aux deux braves papas. Javier Bardem dans « Biutiful » d’Alejandro Gonzales Inaritu a ses propres enfants, une femme psychotique et le cancer. Il se considère aussi responsable de la mort des enfants des immigrés Chinois clandestins qui vendent de la drogue. Elio Germano incarne brillamment dans « La Nostra Vita » de Daniele Luchetti un entrepreneur de bâtiment, qui lutte pour le bien être de ses enfants après la mort de sa femme, mais il prend aussi sous sa responsabilité le fils d’un ouvrier roumain, dont le père a été accidentellement tué sur le chantier, mais sa mort est intentionnellement cachée par le personnage incarné par Germano, pour protéger son emploi et ses enfants. Ca semble compliqué ? Pas tellement. Sous la couverture d’un « relativisme » moral, les héros des familles postmodernes cherchent désespérément le salut, la rédemption, la sécurité morale- tous ces symboles et valeurs que seule la religion peut apporter dans un monde incertain qui a été témoin de la fin des idéologies.

Une liste non exhaustive des autres Pères rencontrés cette année à Cannes : Le père qui vend son fils à l’armée dans « Un homme qui crie » (Prix du Jury) ; Le père absent devenu « gourou » dans « Kaboom » : Le père « cannibale » qui meurt dans la rue dans « We Are What We Are » ; Le père qui crée en enfant monstre dans « Le projet Frankenstein », « Housmaid » ou « La Casa Muda » ; Le père chinois qui rentre à la maison pour enquêter sur la mort du fils qu’il avait abandonné dans « Chonqing Blues ». Le terrible Gordon Gekko qui devient, quelques années en prison et la crise financière mondiale aidant, un vrai « papa poule » dans « Wall Street 2 »…Et aussi Joachim Sand dans notre Prix de la FIPRESCI, la très belle « Tournée » de Mathieu Amalric. Nous avons laissé, quand même, l’aspect religieux direct, comme il se doit, au Prix du jury Oecuménique, qui a été decerné, cette année aussi, lors d’une cérémonie commune à la « Plage des Palmes ».

Mais tous ces films correspondent aux critères et au schéma traditionnel- et religieux-de la famille, dans le sens ou les protagonistes sont, en général, punis pour leur crime, mais trouvent espoir et pardon dans leur foi, dans ce monde, mais surtout dans celui d’au-délà. Même « L’oncle Boomie » , la Palme d’Or (plutôt Bouddhiste) de cette édition, se crée un « paradis » à lui. Dans « Des hommes et des dieux », le Grand Prix du Jury de Xavier Beauvois , qui traite directement de questions éternelles de foi, morale et religion, les « Frères »,qui sont « comme des pères » pour la population locale, ce qui crée une sorte de « famille globale », disparaissent dans la brume au bout d’ une longue marche vers l’inconnu. Nous apprenons qu’ils ont été assassinés, mais que leur mort reste « un mystère »…

Il est intéressant de noter que les films « mal aimés » de la sélection ont essayé eux de coller à une vision moderne ou iconoclaste de la famille, qui ne semble plus être à la mode. L’excellant « Another Year » de Mike Leigh sur le vieillissement de la génération des sixties a été traité de « trop classique », même au sein de notre jury. D’ailleurs certains ont été persuadés qu’il recevra « de toute façon » un prix quelconque… Ou la parodie des films sur la Mafia (dans son cas : la « Yakouza ») de Kitano dans laquelle il déshabille brillamment l’étoffe des films de Gangsters jusqu’à leur plus simple appareil. Ici, la « famille », bien sur, c’est « l’organisation », et le « père » est un « Parrain », qui n’échappe pas, lui, à la mort… « Outrage» a été « disqualifié » comme un film « pas de Cannes ». Même Ken Loach, pas au sommet de son art dans un film « politico-conspiratif », traite d’un règlement de comptes sanglant au sein d’une « organisation » de mercenaires.

Et peut-être, compte-tenu de l’état lamentable du monde dans lequel nous vivons, c’est « le Cinéma » lui-même, qui, à l’occasion de sa Grande Messe annuelle dans le Paradis de Cannes est à la recherche du Père, de ses sources et origines, dans un monde de médias incertain, dans lequel il s’efforce de s’inventer un avenir, pour ne pas être pitoyablement traité de « Cinéma de Papa »…

Gideon Kouts

Le jury de la Fipresci de Cannes, dont Gidéon Kouts était membre, a décerné ses prix à:

Tournée de Mathieu Amalric, pour la competition.

Pal Adrienn de la hongroise Agnes Kocsis pour la section Un certain regard

You Are All Captains (Todos vós sodes capitáns) de l’espagnol Olivier Laxe, pour La Quinzaine des Réalisateurs et La Semaine de la Critique.

Les producteurs en mouvement à Cannes

Cannes, c’est aussi la foire aux professionnels et aux films du monde entier: Marché du Film, promotion et vente des nouvelles oeuvres, etc. C’est aussi le lieu où les producteurs prennent des liens pour les films de demain.

L’organisme de promotion du cinéma européen, « European Film Promotion » y a établi depuis quelques années un programme d’aide à l’émergence des jeunes producteurs, « Producers on the move« , qui a déjà mis en avant quelques producteurs bien connus, comme Bruno Levy ou François Kraus. Cette année, c’est Lauranne Bourrachot de Chic Films la compagnie qui a produit Un Prophète, tout simplement, qui a été à l’honneur pour la France (à droite au premier rang en noir).

Philippe J. Maarek

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