Téhéran 2010
Téhéran, janvier 2010
Pour sa 28ème édition, le Farj, festival international du film de Téhéran, s’est installé au pied de la célèbre tour Milad. Dans le tout nouveau centre de congrès, de nombreuses salles ont pu accueillir les projections des différentes sélections et le marché du film. Matériel de projection, mobilier, cabines de traduction simultanée, connexion internet, tout était d’excellente qualité. Dommage alors que les invités étrangers (jurés, acheteurs, journalistes) n’aient pas pu regarder les films avec le public dans l’auditorium principal, les privant ainsi d’une des grandes joies du cinéma : sentir les réactions physiques de toute une salle regardant la même image sur l’écran.
C’est au Farj qu’on peut rencontrer autant de professionnels du cinéma venus de pays peu représentés dans les grands festivals européens : Afghanistan, Syrie, Palestine, Cuba, Tadjikistan, Indonésie, Kazakhstan, Liban ou Pakistan. Occasion unique de connaître ces cinémas d’ailleurs et de nouer des liens privilégiés avec ceux qui ont à cœur de le faire connaître.
Le jury de la compétition internationale a décerné son prix à The Color Purple (La Couleur pourpre), un film qui était interdit depuis 5 ans. La joie du réalisateur Ebrahim Hatamikia recevant son prix devant un public enthousiaste montrait toute la difficulté pour ces artistes de travailler aujourd’hui en Iran. Entre la volonté du gouvernement de faire connaître à l’étranger le cinéma national, en soutenant financièrement et généreusement ce festival, et la censure politique et religieuse parfois très stricte, il est difficile de poursuivre un travail de création sur le long terme. C’est sans doute pour cela que de nombreux réalisateurs iraniens avaient refusé cette année d’être sélectionnés.
Néanmoins, grâce à une forte tradition d’excellence et à de jeunes talents, la sélection iranienne a livré quelques pépites. Parmi les thèmes abordés, les séquelles de la guerre Iran/Irak, toujours difficile à panser et délicates à mettre en scène ; les problèmes de couples dans une société tiraillée entre le poids séculaire des traditions culturelles et la soif de modernité ; et les fameux embouteillages de Téhéran, toujours aussi prisés comme ressort dramatique. Il est vrai que la voiture est souvent le seul espace de liberté dans une société où chacun surveille – ou se méfie – de son voisin.
Dans ce contexte, il faut saluer le courage des réalisateurs qui osent parler du rôle des femmes, de la place des handicapés, du désespoir d’une jeunesse sans avenir ou de la laideur des villes. On retiendra notamment Gold and Copper (D’or et de cuivre) de Homayan Asaadian, évoquant avec finesse et humour l’implication du religieux dans la vie quotidienne des classes moyennes ; Tomb Slab (La Pierre tombale) de Ebrahim Forouzesh, savoureuse fable villageoise ; L’Après-midi du 10ème jour de Motjaba Raie, tourné dans l’une des principales villes saintes d’Irak et Pay Back, de la dynamique cinéaste Tahmineh Milani, qui règle ses comptes avec le machisme ambiant.
Magali Van Reeth, Signis