Venise 2011
Un palmarès épatant pour une Mostra qui ne le fut pas moins
A Venise, les propositions n’ont pas manqué, de la recherche formelle la plus exigeante à l’engagement social le plus prégnant.
Décidément, l’année aura été favorable au cinéma. Après une moisson cannoise si riche qu’on aurait pu redouter une mise en jachère obligée, la récolte vénitienne aura été de même portée. Avec en cerise sur le gâteau un palmarès presque de bout en bout conforme à nos souhaits. Comme le souligne l’ensemble de la presse italienne, pour une fois les meilleurs ont gagné.
Saluons d’abord le Lion d’or attribué à Alexander Sokourov. Ce créateur majeur de notre temps n’avait jamais encore obtenu de récompense à sa mesure, jugé trop élitiste sans doute. Voilà qui est fait avec ceFaust, à la fois transposition fondamentalement fidèle du texte de Goethe, donné en allemand, et prolongement de la réflexion du cinéaste sur l’essence du pouvoir. Film très impressionnant aussi, Shame de Steve McQueen, qui repart avec le prix de la critique internationale et l’interprétation masculine pour Michael Fassbender, le magnifique comédien qui jouait Bobby Sands, membre de l’IRA, conduisant sa grève de la faim jusqu’à la mort dans Hunger, le premier film de McQueen. Même maîtrise totale ici du jeu comme de la mise en scène, mais opposition de contexte puisque nous sommes chez les yuppies new-yorkais du moment. Dans le film précédent on mourrait pour ses convictions, ici de ne pas en avoir, la consommation effrénée du sexe tentant de combler un vide existentiel antonionesque. L’interprétation féminine n’a pas non plus suscité la moindre contestation tant est évident le talent de Deanie Yip, une cinquantaine de titres à son actif mais inconnue chez nous, dans le film de Ann Hui, Une vie simple. On est aussi ravi de trouver au palmarès en prix spécial du jury Terraferma d’Emanuele Crialese, le pendant italien de Philippe Lioret. Nous sommes là dans la tradition du néoréalisme, dans une de ces îles (Lampedusa est la plus connue) qui voit débarquer au péril de leur vie des immigrés venus d’Afrique, ce qui n’a pas l’heur de plaire à nombre d’autochtones non tant racistes en soi que vivant du tourisme, eux-mêmes contraints à cette activité car la pêche ne donne plus. Le film sait exposer les problèmes dans leur complexité, allant jusqu’à souligner la différence entre les générations venues de la Résistance et celles simplement conduites par le profit.
Un palmarès sans faute donc, nos seuls bémols étant pour le prix du scénario à Alpis nouveau film de l’auteur de Canine, Yorgos Lanthimos, qui nous avait déjà fort énervé, et, secondairement, la légère surévaluation qui a conduit à donner le Lion d’argent de la mise en scène au deuxième film de Cai Shangjun,Gens de la montagne gens de la mer (c’est une expression chinoise) qui, sous prétexte de traque d’un assassin, nous permet de découvrir les dures conditions de travail à la mine, comme des paysages dignes de westerns.
Jean Roy