La Berlinale 2018 sous le signe de #MeToo
Le Festival de Berlin, à sa 68° édition en 2018, a traditionnellement toujours été placé sous le signe de la politique. Politique de la main tendue, tout d’abord, jusqu’à la chute du Mur qui coupait la ville en deux, lorsque c’était un des lieux de rencontre de l’Europe de l’Ouest et de celle de l’Est, avec des sélections de films placées sous le signe de l’équilibre entre les deux blocs de la Guerre Froide. Politique de la réconciliation, ensuite, entre les deux Allemagnes réunifiées. Politique de l’acceptation de la diversité, enfin, avec la transposition par certains choix des sélectionneurs de la générosité traditionnelle berlinoise envers ce que l’on appelle aujourd’hui les LGBT, la remise dans son cadre des « Teddy Awards » réservés aux films gays et lesbiens depuis 1985 en étant le signe le plus manifeste. C’est dire qu’il ne fut pas surprenant de constater que le millésime 2018 de la manifestation s’était ostensiblement placé sous le signe de l’hashtag #MeToo. Le festival s’étant doté cette année d’une charte de bonne conduite, en quelque sorte, en diffusant largement son exigence de non-discrimination et de protection contre toute sorte de harcèlement des festivaliers, les professionnels comme le public payant. D’ailleurs, la Berlinale pouvait se targuer d’être au-dessus de tout soupçon en matière d’égalité entre les sexes, puisque l’Ours d’Or avait été attribué l’an dernier à la talentueuse Ildikó Enyedi pour On Body and Soul.
Le palmarès du jury, présidé cette année par le réalisateur allemand Tom Tykwer, fit cette année la part encore plus belle aux femmes, en somme, puisqu’elles y furent encore mieux représentées. L’Ours d’Or, tout d’abord, fut à nouveau attribué à une réalisatrice, la Roumaine Adina Pintilie, pour Touch Me Not, film intimiste sur les difficultés d’une femme ne supportant pas d’être touchée et donc les rapports sexuels, et sur ses tentatives de se dépasser. Premier film, Touch Me Not reçut d’ailleurs également le prix décerné à ce titre, l’équivalent berlinois de la Caméra d’Or cannoise, le Prix GWFF, doté de 50.000 euros. Quant au dauphin, L’Ours d’Argent Grand Prix du Jury, il fut également décerné à une réalisatrice, la polonaise Małgorzata Szumowska pour Twarz (Mug pour l’exportation). Même le prix Glashütte du meilleur documentaire, toutes sections confondues, décerné par un jury ad hoc, revint également à une réalisatrice, l’autrichienne Ruth Beckermann pour Waldheims Walzer (La Valse de Waldheim), un documentaire introspectif sur la révélation du passé nazi de Kurt Waldheim, ancien Secrétaire Général de l’ONU alors qu’il tentait ensuite de se présenter à la présidence de l’Autriche.
La répartition des autres Ours d’Argent fit à peu près le tour des autres films les plus remarqués d’une sélection officielle assez inégale. Le prix de la meilleure réalisation revint à Wes Anderson pour son original film d’animation Isle of dogs, qui fit l’ouverture du festival, une œuvre pleine de dérision montrant l’évacuation de force dans une île dépotoir de l’ensemble des canidés d’une ville japonaise en proie d’ici quelques décennies à une maladie du « chien fou » assez semblable à celle de la « vache folle », du fait du contact des humains avec les chiens malades. Le prix de la meilleure actrice revint à Ana Brun pour sa prestation dans Las herrederas (Les héritières), de Marcelo Martinessi, un film qui reçut également le prix Alfred Bauer du film innovant et le prix FIPRESCI de la critique internationale pour la compétition. Le prix du meilleur acteur fut décerné à Anthony Bajon pour sa prestation dans La Prière, de Cédric Kahn, seule représentation de la France au palmarès. Les Espagnols Manuel Alcalà et Alonso Ruizpalacios se partagèrent le prix du meilleur scénario pour leur travail dans Museo, réalisé par ce dernier. Enfin, le prix de la meilleure contribution artistique revint à Elena Okopnaya pour ses costumes et son travail dans Dovlatov, d’Alexey German Jr. On regrettera peut-être simplement l’absence d’une mention au palmarès pour l’exigeant Transit, de Christian Petzold, où les situations de la France en voie d’occupation par les troupes allemandes durant la Seconde Guerre Mondiale sont vécues en une sorte d’uchronie dans le cadre de la France d’aujourd’hui.
Parmi les autres récompenses, on signalera les deux autres prix FIPRESCI de la critique internationale, River’s Edge, du japonais Isao Yukisada, pour la section « Panorama » et An Elephant Sitting Still, du chinois Hu Bo, présenté au Forum International du Jeune Cinéma.
Un festival en voie d’évolution
Nous avions évoqué au fil des années l’importante diversification du festival, devenu de plus en plus protéiforme, entre l’augmentation du nombre de films présentés dans ses diverses sections, et la volonté affirmée par le Directeur de la Berlinale, Dieter Kosslick de délocaliser autant que possible la manifestation dans la ville, et pas seulement autour de son quartier général de la Potsdamer Strasse. Or comme Dieter Kosslick a annoncé un peu avant le début du festival qu’il ne demanderait pas le renouvellement de son contrat, qui s’achèvera après le millésime 2019 de la manifestation, les festivaliers multiplièrent les rumeurs. Celle qui revenait le plus souvent était la possibilité d’un resserrement du nomrbe de films de la Berlinale afin d’en accroître l’intérêt pour les journalistes et critiques. D’ailleurs, le renouvellement avait déjà commencé pour la section Panorama, dont son excellent directeur de longue date, Wieland Speck, a abandonné cette année la direction, revenue à un trio formé de Paz Lazaro, Michael Stütz, et Andreas Struck – le Forum restant animé par Christoph Terhechte.
Un marché du film européen… de plus en plus mondial !
Bien évidemment, ce resserrement ne concernerait que le Festival à proprement parler, et pas son Marché du Film. Le « Marché du Film Européen » qui avait été fondé par Beki Probst a en effet pris une résonnance mondiale, et il s’agit maintenant incontestablement du premier rendez-vous de l’année des professionnels du cinéma du monde entier, avec 9000 participants inscrits en 2018 pour sa 30° édition, selon les indications données à la presse. D’ailleurs, le marché a littéralement explosé physiquement cette année, puisque les stands sont maintenant répartis sur trois lieux. L’augmentation de la participation s’est faite physiquement sentir jusque dans les espaces dédiés aux stands. Avec 45 compagnies enregistrées pour le Marché en 2018, la France avait le contingent national le plus important. Unifrance, bourdonnant d’activité du matin au soir, a même dû sacrifier son « espace café » afin de laisser plus de place à nos professionnels de l’exportation ! Selon l’ensemble des observateurs, les achats ont été fort nombreux cette année, et pas seulement du fait des « nouveaux » acteurs, Amazon et autres Netflix, mais aussi du fait des acheteurs traditionnels pour les salles de cinéma.
Le Marché du Film, maintenant dirigé par Matthijs Wouter Knol multiplie par ailleurs les initiatives, avec cette année une focalisation sur le documentaire, mais aussi un séminaire sino-européen « Bridging the dragon », une série de débats, des ateliers de travail, etc. Maintenant présidente du Marché, Beki Probst, à l’origine et animatrice de cette évolution durant trois décennies, a d’ailleurs été récompensée d’un prix spécial durant le festival, la « Berlinale Camera ».
Une rétrospective remarquable
Comme si cette abondance ne suffisait pas, les plus cinéphiles ont pu constater que les Berlinois ne rechignaient pas à redécouvrir le passé un peu oublié du cinéma de la République de Weimar, qui, il y a un siècle, avait précédé l’avènement du nazisme. Accompagnée de l’édition d’un livre-catalogue (malheureusement seulement en Allemand), la rétrospective du Festival permit de découvrir dans divers cinémas de la ville des copies restaurées de comédies comme L’aventure de Théa Rolland, amusante pochade de 1932 dont Lil Dagover était la vedette (ci-contre), Crise, du grand Wilhem Pabst de 1928, le célèbre La Lumière Bleue, de et avec Leni Riefenstahl, et bien d’autres encore. La rétrospective méritait sans doute à elle seule le voyage pour un amateur d’histoire du cinéma. Non seulement devenu le premier des quatre grands rendez-vous de l’année de la profession cinématographique mondiale, avec Cannes, Venise et Toronto, la Berlinale a donc aussi été en 2018 une étape majeure de la cinéphilie !
Philippe J. Maarek
Les 48H de la Pige 2018 les 28 et 29 juin
Les 48H de la Pige 2018 les 28 et 29 juin auront lieu à Bordeaux. L’événement, organisé par l’association Profession : Pigiste, réunit chaque année plus de 200 journalistes pigistes pour deux jours d’échanges, conférences, débats et ateliers pratiques autour de la profession.
Cette année, les 48H de la Pige, bénéficiant du soutien du Club de la presse de Bordeaux, se tiendront dans les locaux de l’Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA) et auront pour thème « Osons, soyons créatifs ». On y organisera également un « tremplin », c’es-à-dire l’achat ferme d’un article/reportage sur sélection de synopsis.
Le programme complet est en ligne sur https://48h.pigiste.org/
Soutien au cinéma indépendant « La Clef » à Paris
Alors que les exploitants du cinéma indépendant « La Clef » à Paris, bien connu comme une des meilleures salles d’art et d’essai de la ville, sont d’accord pour racheter leurs locaux, le propriétaire des murs refuse d’honorer sa parole et ne veut plus le leur vendre. Il s’agit pourtant du comité d’entreprise de la Caisse d’Épargne de l’Ile de France, principalement constitué de représentants syndicaux de SUD et de la CGT!
Ce comité d’entreprise menace d’expulser le cinéma dès le 31 mars 2018, alors que la somme demandée avait pourtant été rassemblée par le cinéma en fonction semble-t-il d’un accord verbal que le loueur ne veut plus honorer.
L’Union des Journalistes de Cinéma appelle à signer la pétition qui est en ligne pour soutenir ce cinéma, avec tous les détails, à :
Taipei Golden Horse Film Festival 2017
Afin de promouvoir le développement du cinéma taïwanais et de récompenser les meilleurs films, cinéastes et professionnels de l’année, le gouvernement de la République de Chine (R.O.C.) a créé en 1962 les premiers Prix Cheval d’or. (Golden Horse en Anglais)Le choix du nom « Cheval d’or » n’est bien sûr pas le fait du hasard. Il évoque naturellement le Lion ou l’Ours de Venise et de Berlin mais plus subtilement il reprend en mandarin les idéogrammes de deux petits archipels, Kinmen et Matzu situés à quelques encablures des côtes de la République Populaire de Chine dont la possession a été âprement défendue par Taïwan et qui constituent ainsi les symboles de la ténacité de la R.O.C. face à son grand voisin de l’Est.
Les Prix Cheval d’or ne sont pas les seuls prix décernés au cinéma à Taïwan, mais ils ont été les tous premiers dans le monde à récompenser des films en langue chinoise. Réservés à l’origine aux productions exclusivement taïwanaises, ils se sont étendus au début des années quatre-vingt-dix au cinéma de Hong Kong puis en 1996, avec la détente des relations entre les gouvernements de Taipei et de Pékin aux productions de la République Populaire de Chine. Ils se positionnent désormais comme l’une des principales compétitions pour l’ensemble des films en langue chinoise. Création gouvernementale, la compétition est par ailleurs depuis les années quatre-vingt-dix organisée par un organisme privé, le « Comité exécutif des Prix du Cheval d’or ».
Depuis 2007, désireux d’une plus large ouverture à l’international, les organisateurs des Prix Cheval d’or ont sollicité la collaboration de la FIPRESCI afin qu’elle désigne un jury susceptible de récompenser de jeunes et prometteurs talents. Le jury se compose de trois membres, deux critiques de cinéma étrangers et une ou un de Taïwan. Les membres du jury cette année étaient les deux critiques de cinéma Nachum Mochiach d’Israël et Chih-Yuan Liang de France, et en tant que personnalité du cinéma taïwanais Isabelle Wu critique et professeur de cinéma à Taïwan. Au bout d’une petite semaine de visionnage et de discussions parfois animées, le jury est parvenu à s’accorder sur son palmarès.
La sélection de huit films qui était soumise au jury se composait cette année uniquement de premiers films:
– Old Beast de Zhou Ziyang, une comédie-dramatique, représentant de la rare cinématographie de la Mongolie-Intérieure.
– Missing Johnny, une comédie moderne, du taïwanais Huang Xi, diplômé de cinéma aux États-Unis et qui a travaillé auprès de Hou Hsiao-Hsien.
– This is not what I Expected!, une comédie populaire, du hongkongais Derek Hui, monteur de nombreux films de Hong Kong et de Chine.
– Shuttle Life de Tan Seng Kiat, un drame social, originaire de Malaisie et diplômé du cinéma à Taïwan.
– The island the all flow by, une dramatique, du taïwanais Chan Ching-Lin, auteur d’un premier court métrage remarqué.
– The Receptionist, une comédie-dramatique, de l’unique réalisatrice de cette compétition, la taïwanaise Jenny Lu détentrice d’un doctorat des arts à Londres.
– See you tomorrow, une comédie burlesque, de style très hongkongais du chinois Zhang Jiajia, scénariste d’origine.
– The Great Buddha +, une comédie-dramatique film noir, du réalisateur taïwanais Huang Hsin-Yao, déjà auteur de nombreux documentaires. Son film est le seul à être par ailleurs nomminé au Cheval d’or pour le prix du meilleur film.
Après avoir visionné l’ensemble de la sélection, le jury de la FIPRESCI a retenu trois films lui paraissant susceptible de recevoir le prix. Old Beast, Missing Johnny et Shuttle Life. Old Beast pour son traitement cruel d’un sordide conflit familial, la forte tension psychologique qu’il dégage et sa fin à la fois totalement inattendue, tragique et glaçante. Situé à Taipei, Missing Johnny fait habilement se rencontrer ses trois personnages de solitaires dans une atmosphère pleine de naturel et de fraicheur. On y sent l’influence dans le rythme de ce premier film du maître Hou Hsiao-Hsien sur l’élève, le réalisateur. Shuttle Life, enfin, drame social naturaliste, gangréné par la misère remarquablement servi par ses acteurs. Ce film observe une micro-société plutôt défavorisée, également limitée à l’Asie du Sud-Est ; le scénario et la mise en scène nous rappellent étrangement le travail du cinéaste philippin Brillante Mendoza…Trois films aux styles très différents mais aux qualités cinématographiques incontestables.
Finalement, le choix du jury pour l’attribution du Prix international de la critique cinématographique de la FIPRESCI 2017 s’est porté sur Old Beast. L’intrigue de Old Beast est pleine d’une tension surprenante. C’est l’histoire de la réalité cruelle d’une famille, histoire qui pourrait se produire dans n’importe quelle ville du monde. Par ailleurs, on est emporté par les images très réalistes de la Mongolie-Intérieure. Les images du film sont grises et froides, à l’instar des tensions et conflits entre tous les protagonistes… La longueur volontaire des plans ne ralentit aucunement le rythme du film, mais au contraire tient en émoi le spectateur et c’est bien rare pour un premier film.
Dans Old Beast, le personnage du père est un animal sauvage incontrôlable et fier, interprété par l’excellent TU Men, dont la performance lui a fait remporter le Cheval d’or du meilleur acteur. En effet, sous une apparence bestiale, précise et naturelle, l’expérimenté TU Men nous donne à voir en même temps un être humain avec un grand cœur et un véritable amour pour sa famille. De fait, une belle et cruelle histoire d’AMOUR….
Chih-Yuan LIANG
Cartes « Vertes » pour 2018
La campagne 2018 pour le renouvellement ou l’octroi des cartes « vertes » de critiques de cinéma permettant l’accès des journalistes et critiques de cinéma est ouverte. Les dossiers en retard doivent parvenir D’URGENCE et avant le 15 janvier au maximum au secrétariat de la Commission, assuré par le groupe Audiens sous l’égide de la Fédération Nationale des Critiques de la Presse Française (voir rubrique « La Profession »)
Une pétition pour soutenir Mohammad Rassoulof
Le réalisateur iranien Mohammad Rassoulof, Prix « Un certain regard » du Festival de Cannes cette année pour Un homme intègre a été brusquement interdit de voyager (son passeport a été confisqué à son retour de voyage). Il est maintenant assigné à résidence, et risque jusqu’à 6 ans de prison pour « atteinte à la sécurité », sans aucun doute à cause de la liberté de ton de ses films, qui lui avait déjà valu une condamnation à un an de prison en 2011.Une pétition internationale a été lancée pour l’aider par l’ARP sélections, son distributeur français. On peut la trouver à l’adresse suivante:
Toronto évolue !
La 42e édition du Festival International du Film de Toronto marque sans aucun doute une évolution de la manifestation, évolution qui va incontestablement se poursuivre dans les années à venir. Cela dénote un refus de la routine remarquable d’intelligence pour un festival pourtant devenu depuis quelques années l’un des deux ou trois rendez-vous majeurs du cinéma mondial.
En 2017, la première étape de cette évolution est due à l’équipe qui a mené le Festival aux cimes depuis plusieurs années, Piers Handling, son directeur, Michèle Maheux, sa Directrice Exécutive, et Cameron Bailey, son directeur artistique, qui mène un groupe qualifié de programmateurs spécialisés. Interpellés par les professionnels sur le côté un peu trop gargantuesque de la manifestation depuis quelque temps, ils ont su se remettre en cause en supprimant tout simplement deux sections du festival, et en présentant cette année 20% de films de moins que l’année précédente. Cela laissa tout de même une programmation comportant la bagatelle de 296 longs métrages et 101 courts-métrages, sur un total de 7.299 films proposés. Certes, du coup, l’attention des professionnels s’est souvent un peu trop focalisée sur les mêmes films, saturant quelques-unes des projections qui leur étaient réservées. Mais des doubles présentations à la même heure, et plusieurs projections supplémentaires de dernière minute, ont permis de régler la plupart des problèmes.
Tourné vers les professionnels, le festival l’est aussi vers le public local, puisqu’il s’agit d’une des rares manifestations d’ampleur du calendrier du cinéma mondial où le public est accepté. Ainsi, les professionnels peuvent-ils bénéficier d’une véritable « sneak-preview » en quelque sorte, d’une « projection-test » grandeur nature, et ce, devant un public dont la réputation de bienveillance n’est plus à faire. Il fallait voir la chaleur de l’accueil fait à Guillermo del Toro lors de la première projection de The shape of Water, tout juste auréolé de son Lion d’Or vénitien, le réalisateur répondant après la projection aux questions d’une salle enthousiaste. C’est aussi la raison pour laquelle les grand studios n’hésitent pas à montrer leurs films à Toronto, permettant ainsi à la manifestation de présenter toute la palette du cinéma, et non pas seulement du cinéma « de festival » qui ne sort même plus en salles ordinaires.
Cette ouverture sur la ville et ses habitants est d’ailleurs très concrètement visible lors de la piétonisation de la rue qui borde le quartier général du Festival durant le premier week-end de la manifestation. C’est devenu une véritable kermesse populaire, avec des concerts gratuits, des stands distribuant des cadeaux en tous genres et de populaires « food-trucks ».
Un festival non compétitif… ou presque
Outre l’importance de ces projections avec un public véritable, l’autre grand attrait du festival de Toronto pour les professionnels est son absence de compétition, qui évite les biais habituels de la présence d’un palmarès officiel et de sa couverture journalistique souvent plus axée sur les pronostics quant au palmarès que sur les qualités intrinsèques des films présentés. Quelques prix y sont tout de même décernés, à des titres divers.
Le plus recherché est sans aucun doute le prix Grolsch du public. Il couronna, pour le documentaire, Agnès Varda et JR pour leur Visages Villages, qui, au-delà de son sujet apparent, est aussi le film de la confrontation de deux générations de cinéastes. Le prix Groslch du Public pour la fiction revint à Three billboards outside Ebbing, Missouri. Ce film de l’américain Martin McDonagh est mené par une prestation admirable de Frances McDormand, en lanceuse d’alerte qui s’offre trois panneaux publicitaires géants à l’entrée de sa ville pour dénoncer l’inaction du chef de la police locale. Déjà récipiendaire de l’Oscar de la meilleure actrice en 1997 pour sa prestation dans Fargo, Frances McDormand semble bien partie pour la course au trophée de cette année… en compagnie d’ailleurs de la vedette du troisième film le plus populaire du festival, Margot Robbie, parfaite dans I, Tonya, le film de Craig Gillespie qui narre les errements de la patineuse Tonya Harding, pour qui fut commanditée l’agression de sa principale rivale aux Jeux Olympiques de Lillehammer, en 1996. Une troisième candidate potentielle pour l’Oscar de la meilleure actrice s’est d’ailleurs également manifestée à Toronto, Jessica Chastain, époustouflante de présence et de brio dans Molly’s Game, le premier film du scénariste bien connu de la série télévisée A la Maison Blanche, Aaron Sorkin. Une fois de plus, le festival de Toronto a de la sorte marqué le début de la course aux Oscars, comme tous les ans, ou presque, puisque c’est là que Argo, The Artist ou Moonlight, parmi bien d’autres, ont commencé à attirer l’attention.
La Fipresci, la Fédération Internationale de la Presse Cinématographique, décerna deux prix. Le prix du programme « Discovery » alla à Ava, du réalisateur iranien Sadaf Foroughi et celui du programme « Special Presentations » à l’espagnol Manuel Martin Cuenca pour El Autor. Si une section canadienne à proprement parler n’existe plus au sein du festival, afin d’éviter un effet de ghetto, un prix du meilleur film canadien est néanmoins décerné par un jury ad hoc, le prix « Canada Goose », qui revint cette année aux Affamés, du québécois Robin Aubert, que les critiques canadiens considèrent comme un digne héritier du « cinéma-vérité ».
La reconnaissance mondiale du festival lui vaut d’ailleurs d’être soutenu par nombre d’entreprises, l’ajout le plus notable a cet égard ayant été celui de notre compagnie aérienne nationale, Air France. Le transporteur a en effet été cette année pour la première fois le mécène d’une des sections du festival, « Platform », section non négligeable puisque ses programmateurs en sont spécifiquement Piers Handling et Cameron Bailey. Un jury international prestigieux formé de Chen Kaige, Malgorzata Szumowska et Wim Wenders y décerna à l’unanimité son prix, doté de 25.000 dollars par Air France, à Sweet country, de l’Australien Warwick Thornton, qui avait gagné la « Caméra d’or » à Cannes en 2009 pour Samson and Delilah. C’est aussi dans la section « Plaform » que furent programmés Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand, tout juste double lauréat à Venise, ou Mademoiselle Paradis, où la réalisatrice allemande Barbara Albert donne un nouveau regard féminin de qualité très actuel aux tentatives du médecin autrichien Franz Mesmer d’utiliser une sorte d’hypnose pour guérir ses patients – d’où le verbe « mesmériser ».
Parmi les autres favoris du public torontois, on notera Suburbicon, le nouveau film de George Clooney, où il dénonce le racisme de façon un peu convenue, mais avec une belle facture, ou Downsizing, l’excellente parabole écologique d’Alexander Payne qui revisite le thème de science-fiction bien connu de l’homme qui rétrécit sans tomber dans le piège du spectaculaire inutile. L’une des premières mondiales du Festival, le remarquable Disobedience, du réalisateur chilien Sebastian Lelio, porté par une superbe performance de Rachel Weisz et Rachel McAdams, objet d’un fort bouche à oreille des critiques et des professionnels, a aussi été l’un des points forts du festival. Ce film devrait faire une carrière intéressante, tout comme Lady Bird, de Greta Gerwig, et dans un registre différent, The Florida project, le film très réaliste de qualité de Sean Baker, que l’on avait déjà distingué pour son film précédent, Tangerine.
Du côté des professionnels
Le lieu de rendez-vous des professionnels, l’hôtel Hyatt qui jouxte le quartier général du festival, le « Bell Lightbox », a vu une fois de plus acheteurs et vendeurs venus du monde entier se bousculer. Ils y bénéficiaient même d’une bibliothèque de visionnement pour les films qu’ils n’avaient pas pu voir en salle. Les organismes de promotion du cinéma y tenaient une place importante, à commencer par Unifrance, bien sûr, l’organisme de défense du cinéma français. Son tout nouveau Président, Serge Toubiana, l’ancien directeur de la Cinémathèque Française, fut l’hôte de ce qui fut sans aucun doute la réception professionnelle la plus courue. Il faut dire que la sélection française était l’une des plus importantes du festival, en qualité et en quantité, avec en particulier Le sens de la fête d’Olivier Nakache et Eric Tolédano, qui fit la clôture du festival, dans la section « Gala », et, parmi d’autres, l’un des films les plus remarqués durant la décade, Les Gardiennes, de Xavier Beauvois.
« European Film Productions », l’organisme intereuropéen de promotion du cinéma, était également bien présent à Toronto, réorganisé pour la première fois sous la bannière » EUROPE ! Films. Talent. Spirit ». EFP regroupait sur son « stand-parapluie » pas moins de 13 organismes de promotion du cinéma de divers pays, sans compter les 11 autres qui avaient un stand séparé.
Et la télévision vint…
Si la présence de Netflix et d’autres acteurs de la télévision ne fit pas autant de bruit médiatique qu’à Cannes cette année, le Festival de Toronto s’en est tout de même préoccupé avec la programmation d’épisodes de quelques séries télévisées dans une nouvelle section « Primetime ». On y parla surtout du scabreux The Deuce sur les débuts du cinéma pornographique à New-York dans les années 1970, une série portée avec conviction par Maggie Gyllenhaal.
Le Festival de Toronto a donc clairement commencé en 2017 une évolution dont on suivra avec intérêt la suite dans les années à venir, puisque celui qui l’a si bien mené, Piers Handling, a annoncé que le millésime 2018 sera son dernier à sa tête.
Philippe J. Maarek
Jameson Cinefest 14° Festival international du film de Miskolc (Hongrie)
Dans cette jolie ville aux confins de la Hongrie, le festival de cinéma est un événement très populaire : les séances sont gratuites pour le public et c’est une occasion unique de voir des films qui ont été sélectionnés dans de grands festivals, ou qui viennent juste d’être terminés. Les salles sont pleines, même en semaine et on y voit des spectateurs de tous les âges.
Une sélection éclectique avec des genres très divers mais où, cette année, l’image de la mère a été bien chahutée… Bien sûr, il y avait celle de Mother! de Darren Aronofsky : jeune, possessive et tourmentée, tellement accrochée aux fruits de ses entrailles qu’on se dit, dans le déferlement ahurissant de catastrophes imposées par le réalisateur, que c’est peut être mieux ainsi pour le futur de l’humanité. Dans le délicat Colombus de Kogonada, la mère est une ancienne droguée que sa fille Casey surveille comme du lait sur le feu. Heureusement l’art, par le biais de l’architecture lui permet de se libérer de cette contrainte : un thème peu exploité au cinéma et une jolie découverte de cinéma. Et puis il y a les vraies criminelles, comme dans Les Filles d’Avril de Michel Franco où Avril vole l’enfant de sa fille, et le père avec, sans doute soucieuse de préserver les liens familiaux ; et Lady Macbeth de William Oldroy, tueuse en série pour pouvoir faire tranquillement la sieste sur son canapé…
Enfin, lorsque les mères ne sont qu’un personnage vraiment secondaire, comme dans Brigsy Bear de Dave McCary, hilarante satire des séries télé éducatives, on a la mère qui kidnappe et l’éplorée incapable ; dans Les Enfants de la nuit d’Andrea De Sica, elle abandonne son fils dans un pensionnat pour riches jeunes gens ; et dans l’excellent A Ciambra de Jonas Carpignano, on peut difficilement applaudir son rôle éducatif. Bref, on a n’a pas vu de mère idéale. Message revanchard des sélectionneurs ou contrepoint salutaire à de très nombreux films contemporains mettant à mal l’image de l’homme ?
Deux films ont un peu déboussolé le public, pour des raisons bien différentes. Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc de Bruno Dumont, sans doute parce que les sous-titres anglais et hongrois ne permettent pas de saisir la splendeur du texte de Charles Péguy ; et Purgatoire de Roderick Cabrido, un long-métrage venu des Philippines où un tripot clandestin est installé dans un faux funérarium (les morts là-bas portent chance aux joueurs), tenu par un travesti. Les vrais cadavres flottent dans un bain de formol et servent de jeux sexuels aux assistants, le tout présenté dans une lumière et une photo qui accentuent bien le côté sinistre de l’ensemble… Mais le dernier film présenté en compétition a permis à tous les spectateurs de retrouver le plaisir du cinéma avec La Passion Van Gogh/Loving Vincent de Dorota Kobiela et Hugh Welchman, long métrage d’animation autour des derniers jours de l’artiste.
Magali Van Reeth
Les principaux prix décernés :
Le jury international a récompensé Western de Valeska Grisebach (Allemagne/Bulgarie/Autriche) et L’Usine de rien de Pedro Pinho (Portugal)
Prix Fipresci : Colombus de Kogonada (Etats-Unis)
Prix œcuménique :Arrythmia de Boris Khlebnikov (Russie)
Prix CICAE : A Ciambra de Jonas Carpignano (Italie/France/Etats-Unis)
Les pérégrinations du Festival international de films de Pristina
Le PriFest, qui a fêté cette année sa 9ème édition, (13-20 juillet 2017), revient de loin. En effet, créer un festival dans le but de développer la culture cinématographique au Kosovo, un pays qui a connu des années de répression et de guerre, n’était pas une tâche facile. A cela s’ajoute la suppression drastique du budget en 2015 par le ministre de la culture de l’époque qui a obligé le festival à se rapatrier à Tirana, en Albanie, sans aucun budget. Le PriFest a pu revenir à Pristina l’an dernier et l’aventure a recommencé…
Outre ses quatre sections compétitives (films européens, films des Balkans – également connu sous le nom de « Cinéma du miel et du sang », films courts et de moyen métrage) le festival tente de promouvoir, dans une nouvelle section depuis cette année les films documentaires, et en particulier les sujets liés aux droits de l’homme et à l’environnement.
De plus, PriFest est le seul festival dans la région des Balkans qui dédie un programme aux films ayant pour thème les LGBT. Il l’organise grâce au partenariat avec « Outfest » de Los Angeles pour la promotion des droits de l’homme, de tolérance et d’acceptation des groupes marginalisés de la société.
PriFest a apporté cette année à Pristina plus de 70 films dont 7 premières mondiales, de nombreuses premières internationales et régionales. Il comporte deux fortes cérémonies d’ouverture et de clôture: l’une au Théâtre National, l’autre, sur la place « Zahir Pajaziti », dans le centre de la ville, qu’un écran éphémère et des sièges transforment en cinéma de plein air. Tous les rassemblements se déroulent devant les escaliers du Théâtre national sans barrière avec la rue… Par conséquent, tous les promeneurs peuvent voir les personnalités, les comédiens et les artistes tout en profitant des concerts et programmes musicaux.
Une série d’opportunités pour les aspirants cinéastes kosovars
PriFest tente de donner également aux jeunes cinéastes du Kosovo, qui souffrent de nombreuses difficultés, notamment en terme d’accès facile aux visas pour voyager librement en Europe et ailleurs, la possibilité de rencontrer des cinéastes et des spécialistes de la région et de l’Europe afin d’augmenter leurs chances de réaliser et de coproduire leurs films. Ainsi le festival tente de fonder la base d’une diplomatie culturelle dans ce nouveau pays qu’est le Kosovo.
Afin de donner l’occasion aux cinéastes d’articuler leurs idées et leurs histoires, le festival organise également les « Prishtina Rendezvous », dans le style « speed dating » de rencontres individuelles, un événement qui vise à rassembler des personnes talentueuses de la région des Balkans pour leur offrir une chance de rencontrer des experts internationaux, distributeurs et responsables de vente. Plus de 200 producteurs, distributeurs, représentants des marchés du cinéma, sociétés de vente, fonds de film, professionnels du cinéma d’Europe et de la région, ainsi que des représentants de festivals de cinéma ont assisté à cette édition.
« PriForum days » est également un rassemblement de cinéastes. Il propose des tables rondes et des séances d’intervention d’experts internationaux sur différents sujets liés à l’industrie cinématographique, la distribution, les ventes internationales, la coproduction et le financement. Il comprend également des ateliers pour les acteurs et les étudiants.
La sensibilisation à l’environnement est un autre sujet traité dans une section intitulée « Green Film Project », soutenu par Bechtel-Enka. Par cette initiative, PriFest tente d’inciter un groupe cible âgé de 15 à 30 ans, à produire des courts métrages (15 sec – 3 min) comportant un sujet de leur choix sur l’environnement. Les projets sélectionnés par PriFest concourent pour le prix « Green Goddess » et peuvent gagner une caméra professionnelle. Le gagnant du projet Green Film Project de 2017 fut Arian Bytyçi pour Let us breathe.
« Best pitch » est un programme de 4 jours destiné à présenter les projets de premiers ou seconds longs métrages de fiction de réalisateurs se trouvant en phase de développement et de financement. PriFest leur propose des stages de développement (« Pitching ») notamment dans le domaine du scénario, de l’audience et du financement. Des extraits de quatre projets de films en postproduction au Kosovo ont pu être montrés aux vendeurs, distributeurs et d’autres sélectionneurs de festivals internationaux. Hive, un projet de Blerta Basholli, du Kosovo, a remporté l’un des prix de « Best Pitch ». Ce prix comprend 80 000 euros de services en postproduction. Le deuxième projet gagnant de « Best Pitch » a été Sirin par Senad Sahmanovic, de Monténégro.
En plus des projections, le programme le plus récent de PriFest, « Les Etoiles montantes de Kosovo », présente le travail de 10 acteurs kosovars aux invités de l’industrie cinématographique. Les artistes étant considérés comme d’importants atouts pour le pays, PriFest essaie de prendre réellement part à leur destin et montrer leur potentiel pendant le festival.
Enfin, en coopération avec l’Académie du cinéma de Sarajevo (SFA), PriFest offre deux bourses d’études aux étudiants qui souhaitent étudier la réalisation dans cette académie. PriFest offre cette opportunité aux diplômés du secondaire et aux étudiants des universités. SFA est l’académie de cinéma la plus renommée des Balkans.
Bien sûr, tous ces efforts n’ont pas encore pu réconcilier les kosovars avec un écran autre que celui de la télévision et du Box-office. La diplomatie culturelle visée par les responsables ne sera possible qu’en initiant en amont la population et surtout les jeunes à l’image, notamment dans les milieux scolaires et éducatifs.
Shahla Nahid
Principaux autres prix décernés
Meilleur film européen, Mellow Mud, de Renars Vimba (également Prix des « Médias »)
Prix FIPRESCI de la Critique Internationale, Amok, de Vedran Tozija
Meilleur film des Balkans, Goran, de Nevio Marasevic
Meilleur moyen métrage, Naked, de Yoram Sachs.
Meilleur documentaire, See you in Chechnya, d’Alexander Kvatashidze
Meilleur film étudiant indépendant, « La femme du TGV » de Timo von Gunten
Prix International à la carrière, à l’actrice Adriana Matoshi
Cannes septuagénaire !
Pour son 70ème anniversaire, le Festival de Cannes 2017 nous a offert une sélection en demi-teinte, inégale dans la forme et aux histoires très sombres. Si sa programmation se veut un avant-poste du cinéma mondial et que le Septième Art est le reflet de nos sociétés, il semble difficile d’y trouver des raisons d’espérer.
La famille d’abord est ici bien malmenée. Les couples se déchirent (Faute d’amour, de Andrey Zvyagintsev), se trompent (Le Jour d’après, de Hong Sangsoo), se quittent (Le Redoutable, de Michel Hazanavicius), et quand l’amour est là, ils sont séparés par le terrorisme (Aus dem Nichts, de Fatih Akin), par la prison et l’oppression (Une Femme douce, de Sergei Loznitsa), par la maladie ou par la mort (120 Battements par minute, de Robin Campillo).
Les enfants ensuite, délaissés (Happy End, de Michael Haneke), enlevés, violés (You Were Never Really Here, de Lynne Ramsay) ou sacrifiés (Mise à mort du Cerf sacré, de Yorgos Lanthimos) deviennent les premières victimes, faibles et vulnérables, d’un monde d’adultes lâches, orgueilleux, égocentriques et violents.
Seuls deux films destinés à un public plus familial ont apporté une bouffée d’air, nostalgique pour l’un (Wonderstruck, de Todd Haynes) et plus satirique et actuel pour l’autre (Okja, de Bong Joon Ho), dans un registre fait de rêve et d’enchantement mais plus proche du conte ou de la fable que du « film de festival ».
Par ailleurs, le jour même des célébrations de ses 70 ans, le Festival a été marqué par le terrible attentat de Manchester qui a sonné comme un brutal rappel de l’actualité dans une compétition où celle-ci était relativement absente des films choisis. Seul Jupiter’s Moon de Kornel Mundruczo fait de la thématique des migrants son sujet central, en démarrant par une première séquence d’une traque par la police des frontières hongroises, hallucinante de vérité. Dans The Square, de Ruben Östlund (Palme d’Or) ou dans Happy End, elle n’apparaît qu’en toile de fond pour dénoncer l’aveuglement et le cynisme de nos sociétés occidentales nanties.
Dans ce contexte, et comme dans une sorte de contrepoint, le film de Naomi Kawase apparut comme la révélation de ce qu’est le cinéma : un art qui permet à l’Homme de regarder au-delà des images et de trouver, même dans les ténèbres, un chemin ‘Vers la Lumière’.
A noter pour terminer, deux films historiques qui nous ont offert des reconstitutions à l’esthétique impeccable mais manquant singulièrement de chair et de souffle (Rodin, de Jacques Doillon) ou souffrant d’une adaptation un peu sage d’un roman pourtant sulfureux (Les Proies, de Sofia Coppola). Et dans un registre plus haletant enfin, Good Time de Benny et Josh Safdie ou L’Amant double de François Ozon nous entrainent entre « polar » et thriller, dans deux œuvres à lecture multiple et au rythme savamment entretenu.
Comme chaque année, la remise conjointe des prix Fipresci et du jury œcuménique a ouvert la course aux récompenses cannoises, à la veille de la clôture du Festival. Le prix œcuménique a été décerné à Vers la lumière de Naomi Kawase et 120 battements par minute de Robin Campillo (France) a reçu le prix de la Fipresci dans la sélection officielle, Closeness de Kantemir Balagov (Russie) dans la sélection Un Certain Regard et The Nothing Factory de Pedro Pinho (Portugal) pour les sections parallèles.
Valérie de Marnhac
Palmarès de la compétition officielle Palme d’or : The Square de Ruben Ostlund Prix du 70e anniversaire du Festival de Cannes : Nicole Kidman Grand prix du jury : 120 battements par minute de Robin Campillo Prix de la mise en scène : Les Proies de Sofia Coppola Prix d’interprétation masculine : Joaquin Phoenix pour You Were Never Really Here de Lynne Ramsay Prix d’interprétation féminine : Diane Kruger pour In the Fade de Fatih Akin Prix du jury : Loveless, d’Andreï Zviaguintsev Prix du scénario : La mise à mort du cerf sacré de Yorgos Lanthimos & You were never really here, de Lynne Ramsay Palme d’or du court métrage : Xiao Chen Er Yue de Qiu Yang. Caméra d’Or : Jeune femme de Léonor Séraille.